Bois brûlé

Marché de Palo­que­mao. Posé sur un ter­rain vague que rav­i­tail­lent les camions, l’éd­i­fice munic­i­pal est bas, gris et som­bre. A l’in­térieur toutes les var­iétés d’al­i­ments et d’odeurs, et nom­bre d’in­con­nues. Des stands d’herbe et d’épices que l’on rêverait d’avoir en Europe. Pen­dant un bon quart d’heure, je vais der­rière LM, peinant à suiv­re son babil tant en rai­son du brouha­ha que de sa marche rapi­de, mais voilà qu’il doit s’ar­rêter, pren­dre appui, s’asseoir. Il est pris de ver­tiges. Quand il repart, il explique que la semaine précé­dente il est mon­té en téléphérique à Montser­rate avec des amis, a fait un malaise, ne s’est pas encore remis. Il ne devrait pas fumer, il fume. Il ne devrait pas se droguer, il se drogue. Deux fois opéré à coeur ouvert, mais ça va mieux. Grace à l’ail, au jus de corian­dre, au gouttes de Dra­go. Tout en par­lant de ses faib­less­es, il nomme les légumes, les fro­mages, les herbes, les var­iétés d’av­o­cats. Je veux acheter un manche muni d’une tête de cheval (pour m’en servir comme bâton d’en­traîne­ment après décap­i­ta­tion), il me retient: “que vas-tu dépenser, je te don­nerai une morceau de bal­ai à la mai­son!”. Et la vis­ite reprend. Nous repas­sons devant les mêmes stands, seul le chemin est dif­férent. J’ai beau dire ce que j’aimerais acheter, par exem­ple ces avo­cats, il file droit devant, direc­tion les char­cu­ter­ies, les cordages, les pois­sons. Là il com­mande une tête et des queues de mer­lu (le soir il les mets à bouil­lir pour en faire une gelée qu’il con­di­tion­nera deux jours plus tars en cubes avant de les ranger au con­géla­teur — pour le cœur). Et nous n’avons tou­jours rien acheter. Puis je com­prends: il attend que je me décide et que je paie. De retour dans son apparte­ment avec fruits secs, salade, bro­coli, avo­cats et patates, je vois qu’il n’y a nulle part dans la cui­sine où pos­er ces com­mis­sions, que la cui­sine est dans un état lam­en­ta­ble, à net­toy­er au lance-flamme. Dépité je pose nos com­mis­sions sur le canapé du salon. Et remar­que alors un autre sachet, du même genre: il con­tient les légumes achetés une fois précé­dente, légumes en état avancé de décomposition.