Signal Attachez vos ceintures allumé, l’airbus d’Avianca est prêt à partir quand l’indien avec qui je partage le double siège du fond (rangée 31, contre les toilettes, la moins chère de l’avion) se lève. C’est un type de la campagne, mal lavé, l’air égaré. Depuis que nous sommes à bord, il a fait quatorze téléphones hurlant dans le microphone: “c’est moi, allô… dans l’avion, je suis dans l’avion, ça va? oui, oui… moi je suis dans l’avion!”. Dans le haut-parleur du téléphone on entend des bébés qui pleurent, des chiens qui aboient, des coqs qui chantent. Et maintenant, il se lève.
-Vous ne pouvez aller nulle part, la porte est fermée.
-Il faut que j’y aille, dit-il, j’ai oublié de changer de l’argent.
Il parle un espagnol mâtiné de Kaqchikel.
-Asseyez-vous, lui fais-je, je vais appeler l’hôtesse, et j’actionne le bouton.
A l’hôtesse et à son collègue stewart, il répète: “je veux descendre, j’ai oublié de changer de l’agent!”.
-Si vous descendez maintenant, vous ne pourrez pas remonter.
Je le regarde: “alors, que t’ai-je dit?” — je m’aperçois que je lui parle comme à un enfant.
Alors cette question hallucinante de l’hôtesse:
-Où allez-vous?
Je coupe la parole à l’Indien:
-J’espère que nous allons bien à Bogota?
-A Madrid, dit l’Indien.
-Eh bien, vous pourrez changer votre argent à Madrid Monsieur.
-Il y a des banques là-bas? demande alors l’Indien.
Et je me dis: à Madrid, cet Indien va à Madrid, mon Dieu!