Mon appartement est à Einstein 9A, une rue borgne qui mène au “centru”. Pour enjamber les eaux jaunâtres du petit canal de la Somesul (canalul Somesul Mic), j’ai le choix entre un pont neuf et un pont vieux. D’un côté des immeubles paquets d’allumettes de l’époque des Ceaucescu, de l’autre des châteaux à bulbe et des façades austro-hongroises. Depuis le matin, j’ai roulé, j’ai attendu, j’ai volé, j’ai pris un bus et un taxi, je suis fatigué. il faut s’asseoir. Mais je veux dénicher un bar d’alcoolique. La définition serait, des poivrots et des ouvriers, une femme pilier de comptoir, de la fumée rasante, de la lumière tiède. Au bout d’une heure et demie de marche, je renonce. Trois fois le tour du centre-ville sans manquer la proche banlieue — il n’y a pas. Le le mondialisme a enterré ce genre de lieux interlope. Familial, local, vivant, bref qui ne rapporte pas d’argent. Rue Morilor à vingt-deux heures, j’entre dans le bar de cave La table des bières. J’y passe la soirée avec une Marocaine médecin, un Texan qui a fouillé le site celte de Bibracte et un réfugié ukrainien laveur de carreaux.