Propriété

Le voy­age relève désor­mais du périple élec­tron­ique. Ce ne sont pas les trains, les bus, les avions mais les codes-bar­res, les fouilles, les enreg­istrements. Par­ti de Hyères à midi j’en­chaîne huit moyens de trans­port. En fin d’après-midi j’at­teins le ter­mi­nal 2 de Barcelone-El Prat. Un bus me con­duit à la gare de l’aéro­port. Là, j’aide une Française qui pian­ote sur l’écran du dis­trib­u­teur de tick­ets à rem­plac­er le Cata­lan par l’Es­pag­nol puis a com­man­der son bil­let. Nous pas­sons ensem­ble le tourni­quet, voici le quai. La rame entre en gare. Elle se rend alors compte qu’il lui manque sa valise. Elle alerte le per­son­nel de la Renfe, décide tout de même de me suiv­re jusqu’à Sants, nous sommes au cen­tre-ville au milieu de la pire jun­gle d’Es­pagne. Je com­mence une série de démarch­es par télé­phone. Le Bureau des objets trou­vés de l’aéro­port est sur répon­deur. J’in­siste, j’en­voie un mail. L’heure de mon train pour le Nord approche. La voyageuse choisit de retourn­er à l’aéro­port. Je passe le con­trôle bagage. La police privée m’ar­rête: “cet homme trans­porte des armes!”. On me place en cel­lule. Incré­d­ule, j’ou­vre ma valise. J’ou­bli­ais la baïon­nette sovié­tique achetée dans une bou­tique hon­groise de Mil­i­taria. Un des faux policiers la met dans sa poche. Je m’én­erve, je la reprends. Mon train est dans deux min­utes. Le faux polici­er: “partez de l’idée que vous allez le man­quer”. Je rafle la baïon­nette, passe sous la bar­rière de sécu­rité, choi­sis au hasard un jeune assis dans la salle d’at­tente et je lui donne l’arme: “tiens, un cadeau!”. Les faux policiers me troussent, récupèrent la baïon­nette, m’ar­rê­tent, me flan­quent en cel­lule, appel­lent les vrais policiers. “Il m’est inter­dit de voy­ager avec cette arme, leur dis-je, bon, mais je suis libre de la don­ner à qui je veux non, elle m’ap­par­tient?” Réponse: “vous ver­rez ça avec la police (la vraie)!”. Je manque mon train. Arrive un trio mil­i­tarisé dont un Colom­bi­en et un demi-vieil­lard équipé d’une mitrail­lette. Ques­tions, rap­port, dis­sua­sion, expli­catif sur les lois… le grand ridicule. Ne reste qu’une solu­tion, les amadouer afin qu’ils m’achè­tent un autre bil­let de train (sans quoi je vais per­dre 80 Euros). Sor­ti de cel­lule le Colom­bi­en m’an­nonce que plainte pénale sera déposée (donc argent encais­sé). A mon tour, j’aver­tis que la baïon­nette coûte une for­tune, que je déposerai plainte pour saisie d’une pièce de col­lec­tion. Deux heures d’at­tente pour le train suiv­ant. Pau­vre Evola à l’autre bout de la ligne! 22 heures, quand je monte enfin dans sa voiture, je prends le volant pour rouler deux cent kilomètres.