Lehel 2

Pour­tant il y a aus­si du bon dans ce dés­espoir. Du moins avant qu’il ne vous assomme. Ces jours, à la mi-journée, après avoir acheté des légumes aux Halles, je monte au pre­mier étage du marché et m’in­stalle devant un petit kiosque pour ivrognes, le Galéria Sörözö. Deux colonnes de blonde hon­groise, une étagère à liqueur, des vins ouverts de Spron et de Zala. Mais ce qui intéresse les habitués, c’est la vod­ka. Ils la boivent dans des ver­res droit avec un rythme de métronome. Je me place à l’une des tables du milieu. Ils m’en­tourent. Quand ils sont deux, ils se regar­dent sans par­ler. Et à tour de rôle se lèvent, posent les ver­res sur les comp­toirs, sor­tent leur bil­let de 1000 HUF, boivent. La bière, c’est pour rin­cer. Celui qui ramèn­era l’autre passe une tournée. En par­tie basse, dans la fos­se, des cam­pag­nardes qui arrosent leur légumes pour faire briller (moins de clients l’après-midi) et des viet­namiens qui vendent la camelote viet­nami­enne. Bref, j’aime. Ce grand calme. Ces moments autour du bar. L’im­pos­si­bil­ité que ne se pro­duise quoique se soit de neuf, parce que le Galéria Sörözö n’a pas encore atteint la moder­nité. Le temps est arrêté.