Pourtant il y a aussi du bon dans ce désespoir. Du moins avant qu’il ne vous assomme. Ces jours, à la mi-journée, après avoir acheté des légumes aux Halles, je monte au premier étage du marché et m’installe devant un petit kiosque pour ivrognes, le Galéria Sörözö. Deux colonnes de blonde hongroise, une étagère à liqueur, des vins ouverts de Spron et de Zala. Mais ce qui intéresse les habitués, c’est la vodka. Ils la boivent dans des verres droit avec un rythme de métronome. Je me place à l’une des tables du milieu. Ils m’entourent. Quand ils sont deux, ils se regardent sans parler. Et à tour de rôle se lèvent, posent les verres sur les comptoirs, sortent leur billet de 1000 HUF, boivent. La bière, c’est pour rincer. Celui qui ramènera l’autre passe une tournée. En partie basse, dans la fosse, des campagnardes qui arrosent leur légumes pour faire briller (moins de clients l’après-midi) et des vietnamiens qui vendent la camelote vietnamienne. Bref, j’aime. Ce grand calme. Ces moments autour du bar. L’impossibilité que ne se produise quoique se soit de neuf, parce que le Galéria Sörözö n’a pas encore atteint la modernité. Le temps est arrêté.