Aéroport de Barcelone. Le vol de Genève est annoncé au terminal B. En dernière minute, les moniteurs avertissent d’un changement de porte. Au lieu de déplacer la camionnette, je vais à pied. Malgré le retard à l’atterrissage, la salle d’accueil est à moitié vide. Je discute avec un père et son fils qui tiennent une agence de snowboard dans les Pyrénées. Ils attendent un client. Devant la porte coulissante des “arribades”, une Andine; au seul guichet ouvert une autre Andine. Quand un homme à la mine patibulaire jette son sac à la volée et s’allonge sur le sol. Chacun à vu. Personne ne veut voir. L’homme gît sur le dos. Le T‑shirt remonté sur le ventre, le pantalon tombé, il est à demi-nu. Peut-être est-il mort? Une troisième Andine, haute comme trois pommes, se place à son côté l’air démuni. Je m’approche du géant étalé au sol : “you are drunk or you are about to die?”. Des borborygmes, des signes de dénégation — il ne meurt pas. Mais rien n’y fait, l’Andine n’arrive pas à le faire partir. Elle est effrayée. Elle ne peut abandonner la partie, elle n’ose pas intervenir, il n’y a ni policier ni garde. L’homme gît au milieu du terminal. Les moniteurs affichent de nouvelles informations. Un retard supplémentaire est annoncé pour l’avion de Genève. Au bout d’une demi-heure, je constate que des passagers venus de l’esplanade extérieure demandent à l’Andine responsable des “arribades” à récupérer leurs valises. J’en fais la remarque au père et à son fils qui répondent “c’est impossible”. Ils n’ont pas tort, car on a jamais vu des passagers sans billets entrer dans la partie sécurisée d’un aéroport. Pourtant l’Andine se laisse persuader. Elle fait passer. Arrivent d’autres passagers. Eux aussi réclament leur bagage. L’Andine ne sait plus où donner de la tête. Elle regarde l’homme qui gît sur le dos, elle est assaillie par des passagers furieux. Survient Gala au bras d’un jeune Américain qui explique que les Genevois ont été poussés vers le terminal B alors que les valises étaient débarquées au terminal A. Distance entre les terminaux, un kilomètre. Sa valise récupérée, je pars chercher la camionnette. Aux caisses automatiques du parking, une hôtesse de l’air se précipite sur moi: “vous avez réussi à payer, vous?”. Je n’ai pas encore essayé. J’essaie. Refus de la machine. Qui s’éteint. Devant la barrière de sortie, je négocie. Un employé arrange l’affaire. Je cherche le terminal A. Le géant est couché en travers du quai de chargement des taxis. Le trottoir où m’attend Gala est en vue. La piste de sortie du parking n’y conduit pas. Elle me guide hors de la l’aéroport, me met sur l’autoroute de Valence.