Sosiété écrit en quatre jours, corrigé en deux mois. Peut-être que ça ne vaut rien. Comment savoir? L’effort rend aveugle, l’acharnement c’est pire. Mais je n’aime pas commencer, j’aime finir. Donc je me devais. Pourquoi ces quatre jours? L’an dernier, non, celui d’avant, 2021, pendant l’époque noire de la fausse grippe mondiale, mon ami suisse sur le départ, prêt à me rejoindre dans les Pyrénées suggère: “si tu écrivais sur le Covid?”. Ce que je n’ai pas fait. Sosiété est le récit de la confiscation de l’humanité. Fin du chapitre, du moins côté littérature car pour ce qui est de la machinerie sociale elle s’emballe, elle nous emballe et chaque jour je me félicite d’être retranché dans mon village-trou, loin des citadins, loin des artifices, hors du zoo. Puis j’ai replongé dans l’écriture de Femme assise dont Gala a dit dès la première heure: “ce n’est pas le bon titre!”. Il est changé, mais je ne le dirai pas, je suis superstitieux et le manuscrit n’est pas achevé. Entre-temps les Urgences. Une première nuit épouvantable, une seconde pire que la première. Le sommeil me fuit, l’anxiété me submerge, fait battre le cœur, l’accélère, le ralentit, le plante, l’accélère. Dit comme ça, le phénomène a un air d’un spectacle mais le cœur est dans la chair qu’il fait battre, qu’il soulève et c’est le corps entier qui remue, mon corps dans mon lit si bien qu’après des heures à jouer avec la mort (je crains qu’il ne s’arrête ce qui provoque des arrêts), quand point la lumière du jour, je réveille Gala et nous voici en route pour les Urgences de l’hôpital, le cœur toujours à se soulever, à suffoquer les poumons et tandis que je conduis le bus Gala gémit: “tu vas t’effondrer, on va avoir une accident”. Elles croyait que nous allions à Saragosse, à Madrid, hors du désert, là où il y a du service en blouse blanche. Il est vrai que je bredouille et que je tremble excité et malade. Nous voici à Puente, à quinze minutes d’Agrabuey, en bas de l’ancienne école, il y a des infirmières, elles ne savent pas, elles sont gentilles, c’est le matin, elles ne sont pas pressées, elles disent: “il vaudrait mieux aller à l’hôpital”. J’ignorais que ces Urgences n’étaient pas les seules Urgences, qu’elles n’étaient pas des Urgences. A l’hôpital, devant la montagne, à l’heure où les réverbères s’éteignent, la procédure habituelle avec brancard, goutte à goutte et électrocardiogramme. Et la conclusion: je n’ai rien. Rien n’est détectable en machine donc je n’ai rien. Retour à la maison, repise de la vie courante (au ralenti), continuation de l’écriture de la Femme assise et un peu de vélo fixe, à petite vitesse, l’ œil fixé sur les données du jeu interactif. Femme assise: le sujet du roman est venu lors d’une de ces nuits proche d’enfer, quand j’ai vu une femme entrer dans ma chambre et s’asseoir sur le bord du lit. Et ne plus bouger. Beaucoup de plaisir à écrire ce livre. Le plaisir est force de création.