Grave 7

Per­son­ne ne me dit ce que je dois faire pour vivre, c’est à dire ne pas mourir, boire, con­som­mer, manger, ne pas con­som­mer, parce que per­son­ne à cent kilo­mètres à la ronde ne répond au télé­phone dans les dis­pen­saires, cab­i­nets, hôpi­taux. Si, ce matin au bord du gouf­fre de Biniés, juste avant que je ne plonge dans la zone blanche, j’ai appelé un numéro glané sur une page inter­net et une stan­dard­iste a répon­du: “c’est trente-qua­tre Euros ou quar­ante-huit Euros le ren­dez-vous chez le car­di­o­logue, que préférez-vous?”. M’est égal, ai-je fait, j’ai une assur­ance toute-puis­sante. “Bien, je vous inscris?”. C’est alors que j’ai appris par la stan­dard­iste que je pou­vais pay­er après quoi ce serait à moi d’ap­pel­er un car­di­o­logue pour pren­dre ren­dez-vous à ce prix. “Mon­sieur…?”, s’est enquis la stan­dard­iste qui ne m’en­tend plus. “Madame, j’ai tout essayé, ai-je expliqué, per­son­ne ne répond. Avez-vous au moins une car­di­o­logue à me recom­man­der à Saragosse “. A quoi l’aimable stan­dard­iste a répon­du: “je ne suis pas dans votre région, je ne con­nais per­son­ne.” Donc j’ai rac­croché, j’ai ral­lumé le moteur de la camion­nette, j’ai plongé dans la fos­se, j’ai atteint Piedral­ma, la riv­ière une fois de plus débor­dait, je me suis déchaussé, j’ai emprun­té le pont pieds nus et sur la porte de la car­a­vane d’Evola fig­u­rait ce mot: “je suis à Puente, peux-tu fab­ri­quer les moules en car­ton pour les sup­ports de plaques solaires”.