Personne ne me dit ce que je dois faire pour vivre, c’est à dire ne pas mourir, boire, consommer, manger, ne pas consommer, parce que personne à cent kilomètres à la ronde ne répond au téléphone dans les dispensaires, cabinets, hôpitaux. Si, ce matin au bord du gouffre de Biniés, juste avant que je ne plonge dans la zone blanche, j’ai appelé un numéro glané sur une page internet et une standardiste a répondu: “c’est trente-quatre Euros ou quarante-huit Euros le rendez-vous chez le cardiologue, que préférez-vous?”. M’est égal, ai-je fait, j’ai une assurance toute-puissante. “Bien, je vous inscris?”. C’est alors que j’ai appris par la standardiste que je pouvais payer après quoi ce serait à moi d’appeler un cardiologue pour prendre rendez-vous à ce prix. “Monsieur…?”, s’est enquis la standardiste qui ne m’entend plus. “Madame, j’ai tout essayé, ai-je expliqué, personne ne répond. Avez-vous au moins une cardiologue à me recommander à Saragosse “. A quoi l’aimable standardiste a répondu: “je ne suis pas dans votre région, je ne connais personne.” Donc j’ai raccroché, j’ai rallumé le moteur de la camionnette, j’ai plongé dans la fosse, j’ai atteint Piedralma, la rivière une fois de plus débordait, je me suis déchaussé, j’ai emprunté le pont pieds nus et sur la porte de la caravane d’Evola figurait ce mot: “je suis à Puente, peux-tu fabriquer les moules en carton pour les supports de plaques solaires”.