PF

“Vous savez ce que c’est ici?”, demande le patron, une tante qui ressem­ble à Michel Ser­rault dans la Cage aux folles. L’homme veut dire qu’il ne s’ag­it pas d’un restau­rant à menu, pas d’un restau­rant pour tous les jours, il cherche à me faire com­pren­dre sans me vex­er que c’est un restau­rant de prix et il a rai­son au vu de ma dégaine : débar­qué à l’in­stant de la camion­nette après trois heures de con­duite sous la pluie je porte des Bermudes frois­sés, des chaus­sures de chas­se en toile de cam­ou­flage, une veste de dix ans et je ne suis pas rasé. Mais surtout: je mangerais volon­tiers une soupe et des patates. Deux ouvri­ers du bâti­ments me par­lent de la Quin­cail­lerie PF. Un restau­rant? Oui, dans le hangar d’une quin­cail­lerie de la zone indus­trielle de Bur­gos. Assis dans un siège troué, une aimable matrone me sert sur une table ban­cale un bol de salade russe œuf-may­on­naise-olives d’un kilo — sans exagéra­tion. Quand je repousse le bol après en avoir avalé la moitié, elle fait: “vous n’avez pas faim?”.