Euskadi

Van instal­lé au-dessus du port d’Hon­darra­bia sur le mont Jaizk­i­bel, je débar­que chaise et table, bois un thé, lis L’homme seul de Frochaux et bronze. Le temps est superbe, le lieu rem­pli de pique-niqueurs, les enfants jouent au bal­lon, c’est dimanche. Plus tard, matériel de sport sous le bras, j’emprunte le chemin de ronde de la forter­esse Guadalupe. La citadelle creusée de dou­ves doit béné­fici­er d’une vue sur la France, Hen­daye et Saint-Jean de Luz mais de l’ex­térieur impos­si­ble d’en juger et ce jour elle est fer­mée aux vis­i­teurs. Ce que l’on devine, c’est une struc­ture en quin­conce aux allures de bête archaïque. Elle est cou­verte d’herbe mousseuse, elle est enfon­cée dans la terre. Ici et là sur­gis­sent un pan de muraille ou un cha­peau de tourelle. La taille est d’un colosse, le poids inouï ain­si que le sen­ti­ment d’inu­til­ité. J’é­tudie les entrées afin de me cacher: je n’aime pas dérouler mes exer­ci­ces en pub­lic. Au bout d’une travée, près d’une grille à hers­es, je trou­ve le lieu idéal. Entre deux talus, j’en­traîne mes rou­tines tan­dis que sur le chemin haut défi­lent invis­i­bles les touristes. Le soir je décroche le vélo, descends à Hon­darrabía, j’achète une bouteille que je bois sur le port. Au retour, la pluie me rat­trape. J’ai sous-estimé la mon­tée : il y a près de cinq cent mètres de dénivelé depuis la mer. Puis j’ai oublié mes phares et mon casque. J’ar­rive sur le Jaizk­i­bel trem­pé. Tout le monde est par­ti ou presque; reste un cou­ple de Berlin et ses chiens à bord d’un MAN vert cam­ou­flage et des hip­pies arc-en-ciels dans un Duca­to en forme de meringue. La nuit, le télé­phone sonne. C’est Daniel. Qui est Daniel? L’émis­saire de Tol­do. “Tol­do t’ap­pellera demain matin”, dit Daniel.