Munich

Hôtel Freisinger Hof au-dessus du Eng­lish­er Garten par­tie Nord, à Ober­förin­gen. L’en­seigne peinte en let­tres goth­iques dit: “Seit 1126”. Pour l’at­tein­dre en voiture depuis Genève, il faut d’abord faire face aux ingéniosités de nos fonc­tion­naires qui à l’oc­ca­sion des vacances d’été dis­tribuent le long de l’au­toroute qui con­duit à Berne, Zurich et Saint-Gall tous les arti­fices lan­gagiers du génie civile: flash, cônes, chi­canes, gen­darmes couchés et bar­rières mobiles. Le traf­ic s’é­coule au pas. J’ac­célère, je suis ralen­ti. Ain­si des mil­lions de voitures qui tra­versent notre pays d’ouest en est ce same­di. Une fois de plus mon admi­ra­tion est au comble: con­cevoir peu­ple plus con­traint et plus résigné que le peu­ple suisse relève du grand art. Quand je songe aux espaces castil­lan, navar­rais, andalous! Notre héritage cen­tre-européen n’a plus rien à envi­er aux par­cours oblig­és voulus par Ikea. Libéré de ce jeu à com­pli­ca­tions aux abor­ds de Saint-Mar­greten, il faut ensuite pass­er Hard et l’Autriche. Sur le plateau du Bade-Wurtem­berg, je pousse la Dodge à 160 km/h et c’est encore peu: la pru­dence recom­mande de con­duire l’œil sur le rétro­viseur des bolides alle­mands dou­blant à près de 200 km/h. Nous voici donc à Ober­förin­gen, fatigués, trem­pés de sueur, le ven­tre vide. Aus­sitôt nous prenons place à la brasserie. C’est en réal­ité un restau­rant de luxe et nous sommes same­di; les familles bour­geois­es lorgnent avec dégoût sur mon T‑shirt Altarage qui mon­tre des cadavres flot­tant sur des eaux noires. Pour manger un Vor­speisen de saumon et de caviar il y a mieux et je n’aime pas jouer de tours aux gens sérieux qui aiment à s’ha­biller, mais sauf à se couch­er sans avoir dîné, c’est la seule solution.