A peine si nous serons allés en ville. Nous vivons dans le parc. La chambre — une suite avec salon — est juchée au-dessus des arbres de falaise. Une route pavée amène devant un pont. Il franchit le canal moyen de l’Isar, voici l’Englisher Garten. De là, on peut rouler vers les quartiers anciens ou se perdre dans les sous-bois, parmi les moutons, les jardins de bière, les auberges. Dans les coins d’ombre, les familles piquent-niquent, des groupes s’exercent au Taï-chi, les femmes bronzent. Tout à l’heure je suis allé courir. Oberföhring, Unterföhring, Ismaning, Garching. Au passage, je reconnais des bouts de plage. L’été 2017 nous avons grillé des saucisses, regarder l’eau, nourri les canards, paressé — les enfants n’avaient pas encore grandi. Il fait chaud. Pratiquant le double-souffle, je cours à petit rythme et je me souviens du jour où, à la fin de l’année de baccalauréat, un maître de sport m’a indiqué cette technique. Par provocation, je refusais de jouer au football. Ce vendredi, un car nous avait conduit à un stade d’altitude (plus haut sur la pente du volcan que le quartier de Polanco où se trouvait le lycée franco-mexicain), les équipes étaient formées, le match débutait. Sachant le programme, je m’étais muni de deux bouteilles de bière, je buvais assis derrière la cage des buts. Le maître s’est avancé, il m’a fait la morale. J’ai tenu bon. “Et courir?”, a‑t-il demandé. Oui, ça je voulais bien. Alors il a expliqué qu’en raison de l’altitude — quelque 2500 mètres — la double respiration était recommandée: elle amenait un surplus d’air aux poumons. Depuis 1984, j’ai couru des milliers de kilomètres aspirant deux fois, expirant deux fois, ce que je fais en ce moment, dans l’Englisher Garten, avant de rebrousser chemin pour rejoindre Gala devant cette indication en jaune qui fait mon admiration (car cela veut dire que l’on peut voyager au cœur de la région munichoise sans quitter les bois): Landsberg Am Lek, 26 km.