“Voilà!” Manière de dire : “enfin, je souffle!”. Commencé avant Noël, le conflit avec mes collègues afficheurs s’est achevé hier sur un parking par un échange d’argent. Trente ans de collaboration liquidés. Ce matin je n’ai plus de salaire ni de liens, je n’ai plus aucun devoirs, je suis libre de contraintes. Reste la voiture. Déclarée volée par un avocat du barreau de Lausanne qui espérait faire pression sur mes décisions, j’ignore aujourd’hui quel est son statut mais je dois rendre les plaques à la fin de la semaine — que mettre à la place? Genève refuse l’immatriculation car je vis à l’étranger, l’étranger refuse l’immatriculation car la voiture est une propriété d’entreprise. Dans un hôtel français de la périphérie de Genève, j’attends, je donne des coups de fil, je publie des annonces de vente. J’attends, rien ne vient, je baisse le prix. A l’instant je faisais valoir à mon ami le combattant albanais qu’une telle voiture ferait son effet les jours où il enseigne l’auto-défense aux personnels des multinationales. “C’est une voiture de luxe!”, répond-t-il. Pas faux; surtout pour aller cultiver un terrain agricole dans une vallée reculée d’Espagne. Pour accéder, il faut franchir un fossé que jonchent des carcasses d’arbres puis par un pont inondable une rivière au débit fantaisiste. Avant de partir pour Munich, je continue mon exploration. Hier, je me suis souvenu d’un Italien marchand de véhicules de prestige. Pas de chance, il est à Marbella. Je me rends sur place, dans la zone industrielle de Châtelaine. Son employé me montre des photographies de plage et de paella puis s’avance vers la Dodge: “vous permettez, je vais faire un film de la voiture”. Sur je vais à Romont et Fribourg, reviens en France, décapsule une Feldschlössen et à nouveau j’attends.