Babel-ch 2

Occupé à tourn­er en rond dans l’ar­rière-bou­tique. Quand je sors , je déam­bule dans les sept rues d’un par­cours cal­culé pour son effi­cac­ité et mar­que dans l’or­dre ces haltes : retrait de bil­lets au dis­trib­u­teur de bil­lets, échange d’une par­tie des bil­lets con­tre des bil­lets non-suiss­es, achat d’un oreiller de camp­ing Mam­mut qui rem­place mon oreiller Mam­mut per­cé, achat de douze litres de bière, retour au point de départ. Après le stock­age en frig­ori­fique des bières, écoute ravie de FN SCAR de Wiegen­dood, à n’en pas douter l’un des titres de rock les plus vio­lents actuelle­ment en cir­cu­la­tion sur la planète. Fin d’après-midi, je remonte en train. A Genève, je marche au ralen­ti, comme dans un film au ralen­ti, jusqu’à la place du Bourg-de-Four. Chemin faisant, sur le pont de l’île Rousseau, Louis-Gau­ti­er me hèle: il me félicite pour easy­Jet, le livre que je viens de pub­li­er, le livre qu’il a décou­vert ce lun­di en pile devant la caisse de la librairie Pay­ot de Lau­sanne (je m’en réjouis). Je fais remar­quer que le livre est de 2011. J’aime beau­coup cette homme, mais je dois pour­suiv­re: le Tri­bunal m’at­tend. La Con­vo­ca­tion pré­cise “prévoyez d’ar­riv­er un quart d’heure avant la séance”. J’at­tends sur un banc. Vais chez Eti­enne, le marc­hand d’an­ciens. N’en­tre pas dans la librairie, mais décou­vre une étagère en libre accès où je prends “Les écrivains de la R.F.A.” Entrée du Tri­bunal, deux Français me fouil­lent façon aéro­port. Pre­mier étage du bâti­ment de Jus­tice, salle des pas per­du, Mon­frère est caché der­rière son avo­cat, un vau­dois à face de lune qui par­le armes et chas­se et tir avec l’huissier, régime habituel de théâtre. A l’heure dite, invi­ta­tion à pass­er en salle. Attaque immé­di­ate de l’av­o­cat de Vaud (affublé d’un nom à par­tic­ule) devant la Prési­dente, attaque que j’es­saie d’en­ten­dre (son) car en vau­dois atavique, l’homme mar­monne et avale les mots. Ce que je com­prends: je suis un voy­ou qui a des démêlés avec la police, j’habite “on-ne-sait-où”, je n’ai pas ren­du à l’en­tre­prise la voiture qui m’ap­par­tient, je veux dire ma voiture que j’ai payée avec mon argent, et surtout — il faut l’en­ten­dre déclar­er cela sur un ton sat­is­fait — “Mon­sieur Friederich ici présent a dor­mi cette nuit dans le bureau de la société”. Que fait la Prési­dente, femme plate et con­va­in­cue? Par trois fois, elle me répète: “il faut vous faire accom­pa­g­n­er par un pro­fes­sion­nel Monsieur!”.