Sans peser le vélo, j’entame la première montée. Il pleut. Le col du Somport est dans le brouillard. Les stations de ski ont fermé, il n’y a plus personne. Dans la descente, je grelotte. Après Urdos, rythme tranquille sur une trentaine de kilomètres puis l’ascension du col de Marie-Blanque au départ d’Escot. Troisième passage en quelques semaines, je ne crains plus son dénivelé et j’ai tort: cette fois, je chevauche un vélo chargé. Cuisine, tente de camping, habits de rechange, outils, de quoi tenir neuf cent kilomètres sans restaurant ni hôtel si d’aventure je n’en trouvais aucun sur la route. Quand commencent les quatre kilomètres de côte à 12% de moyenne (et 14% maximum) que redoutent les cyclistes, je m’aperçois qu’entre mon poids, le vélo et la charge, je tire quelque 103 kilos. Photo au sommet et je rejoins la vallée d’Ossau. Sur le plateau de Bedous, une voiture à l’arrêt et deux femmes : elles parlent à un cheval afin qu’il regagne le champ. Il ne bouge pas. Elles me font signe de ralentir. Je fonce sur le canasson qui s’enfuit au trot. Non mais! J’ai encore huit heures de route ! Le soir, je monte la tente sur le terrain boueux du camping de Ousse près de Pau que m’a recommandée la petite-fille du fleuriste de Soumoulou. La boulangère à qui je demandais une adresse a répondu “je ne suis pas du tout d’ici”. D’où peut-elle bien être? De Djakarta, Brisbane, New-York? “J’habite à trente kilomètres”, dit-elle avec fierté.