Nuit dehors

Bivouac avec Aplo sur les grèves de la Sarine près de l’Ab­baye de Hau­terives. Sec­tion­nés par les bûcherons, des troncs prêts à être brûlés. Notre brasi­er éclaire les falais­es de mol­lasse, nous gril­lons du cheval. A la fin de la con­ver­sa­tion et des rires, ques­tion sim­ple: “quelle heure peut-il être?”. Qua­tre heures trente, les sacs de couchage sont blancs de givre, les tentes sont rêch­es, la tem­péra­ture est tombée au-dessous de zéro. Le matin, baig­nade — non, c’est trop dire: je me trempe, cela suf­fit. Mais aus­si j’ad­mire: une vieille dame coif­fée d’un bon­net orné de pétu­nias nage dix bonnes min­utes dans l’eau gelée. Ensuite, Gruyères. Soleil radieux. Au fond de la val­lée le Vanil Noir, dans notre dos le Molé­son. Sur la place forte du vil­lage, quelques badauds. Moment de vis­ite priv­ilégié, juste après la lev­ée des mesures san­i­taires qui depuis deux ans dis­suadent d’en­tre­pren­dre un voy­age. Autour, annon­ci­a­teur des vagues de touristes qui bien­tôt défer­leront, la mal­adie nationale, la destruc­tion habituelle, l’ar­gent fou, des cen­taines, des mil­liers de place de park­ing en chantier. Le soir, à Lau­sanne, sous-Gare, nous voyons Mon­père qui arrive de Budapest. Par­lant de l’Ukraine il dit: “Il faudrait ras­er l’U­nion sovié­tique. Et pré­cise pour mon fils et moi-même : “je suis un homme de la guerre froide”.