Afin de ne manquer aucun courrier, je domicilie au début de l’affaire la correspondance légale auprès de l’avocat. Hier sonne à ma porte la facteur. Elle apporte les conclusions de la procédure. La loi m’oblige à en prendre connaissance, ce qui veut dire que je dois confirmer la réception du pli par une signature. Sauf que la facteur ne réussit pas à scanner le code d’enregistrement du Tribunal. Elle va chercher de l’aide en mairie. N’en trouve pas. Revient. Pose le pli au sol, sort son pistolet, scanne encore et encore. Refusé. “C’est sans importance, lui dis-je, le Tribunal peut envoyer à l’avocat, j’ai payé pour ça”. Fin d’après-midi, l’avocat m’appelle: “tu aurais dû accepter le pli Alexandre, c’est obligatoire!”. Il me m’enjoint d’aller le chercher chez le procureur. “Je ne peux pas, dis-je, je suis débordé!”. Pas faux: j’ai prévu de faire du vélo et de cuisiner un filet mignon. L’avocat insiste: faute de récupérer le pli, nous ne pourrons pas faire recours. Le surlendemain, je vais au Tribunal de Puente. Le garde civil me dit d’appuyer sur une petite sonnette scotchée sur une table. Un fonctionnaire en pantoufles sort d’un cagibi. J’explique mon affaire. “Pourquoi n’avez-vous pas accepté le pli?”. Je réexplique. Il soupire: “c’est impossible”. Je monte le ton (en Espagne on ne monte pas le ton, c’est comme pour la Thaïlande bouddhiste, une fois le ton monté le dérapage est proche”. Le pantouflard se résigne: il va falloir travailler le problème. “Nom du procureur?”. Comme si j’avais retenu le nom d’une femme vue sur un écran! L’ai dégoûté, le pantouflard rentre dans le cagibi. Dix minutes s’écoulent. Enfin il montre la tête: “j’arrive”. Il arrive. Le papier à hauteur des fesses, la démarche d’un canard qui sort de son jus. Derrière le paravent anti-bactéries, il soulève le papier comme s’il pesait dix kilos, remonte des lunettes sur un nez gras, fixe le document et déclare: “vous avez été condamné”.