Effet boomerang

L’in­va­sion améri­caine de l’Eu­rope com­mencée en mil neuf cent quar­ante-cinq s’achève ces jours dans la débâ­cle. Libéré du dou­ble enne­mi alle­mand puis russe, notre con­ti­nent a très vite servi de boucli­er. Guerre de défense celle qu’a menée les Etats-Unis à par­tir de la France. Hon­neur aux sol­dats morts dans les débar­que­ments; honte aux com­merçants qui pren­nent le relais — avec l’aide des poli­tiques ils ajus­tent l’of­fen­sive, con­fir­ment la mise sous tutelle, vas­salise les volon­tés, réé­duquent, hygiénisent. Con­stam­ment et sans faib­lir. Hon­nis soient-ils! Plutôt que pro­tec­torat, domin­ion. Plutôt que recon­struc­tion, pré­da­tion. Con­séquence, nos pays n’ont plus leur âme. Dif­fi­cile, bien­tôt impos­si­ble de se rap­pel­er ce qu’é­taient les mœurs, les habi­tudes, les orig­i­nal­ités de la cul­ture d’Eu­rope avant l’améri­can­i­sa­tion. Si le Grand frère réus­sit son opéra­tion c’est que miroite devant les yeux des vic­times de la guerre un avenir matériel inat­ten­du. Des généra­tions de naïfs adhèrent au pro­jet. Celui-là qui aujour­d’hui, d’un côté comme de l’autre côté de l’At­lan­tique, s’ef­fon­dre. Le cap­i­tal est entre quelques mains, la reli­gion imbé­cile, les villes mor­tifères, les peu­ples exsangues. Ain­si, sous le con­trôle idéologique des Améri­cains, nos pays auront renié leur héritage au prof­it d’un con­fort dont cha­cun sait le prix : le cauchemar quo­ti­di­en. Que l’Amérique meurt en tant que nation est sans d’im­por­tance: elle était à peine née. Pâle suc­cé­dané de civil­i­sa­tion, elle compte peu dans l’his­toire de l’Oc­ci­dent spir­ituel et moral. Lieu d’une geste héroïque et fon­da­men­tale, elle a mar­qué l’hu­main par l’ac­tion et la tech­nique et selon la règle des cycles doit céder devant les forces nou­velles de l’Ex­trême-Ori­ent. Mais que meurent nos nations de l’Oc­ci­dent réel, c’est grave. Si cela devait aller à son terme péri­rait avec elles toutes les promess­es d’hu­man­i­sa­tion des sociétés tels que les porte la philoso­phie depuis que l’in­di­vidu s’est éveil­lé à la conscience.