Matières

Para­doxe sans fin, tout le monde peut lire donc je m’ex­prime en me taisant. Piège de qual­ité. Je me débats, cherche à en sor­tir, n’en sors pas. Ecris ce que j’écris, enfonce le reste dans ma poche. A l’époque où l’on n’avait pas encore instru­men­tal­isé les pédales, Gide pub­li­ait sous le man­teau ses défens­es de l’ho­mo­sex­u­al­ité à deux cent exem­plaires, con­tent à l’idée que dix lecteurs révérant les mêmes jouis­sances le liraient. Il risquait gros. Il était courageux, mais pas téméraire: même dans ses pris­es de posi­tion, il trav­es­tis­sait le dis­cours en citant les dieux per­mis­sifs des Grecs, de même que plus tard, via les Samiz­dat, les héros bas-fond du sys­tème sovié­tique cul­ti­vaient dans leur appel le code et l’al­lé­gorie. Au fond, rien n’a changé: on par­le devant le monde entier en se taisant.