D’habitude je roule jusqu’à l’entrée de Madrid en une demi-heure. Ce matin, pas de voiture, il pleut et fort, il vente, il fait froid, je le vois mais les distances, me dis-je, ne sont pas relatives, il y a trente-cinq kilomètres de Guadalajara aux portes de la capitale. Eh bien, non! La confiance n’était pas de mise. Mal m’en aura pris! Grelottant, misérable, boueux (je plonge en entier mon vélo dans une fontaine proche de la base militaire de Torrejón de Ardoz devant des passants interloqués), perdu tantôt sur des sentiers de gadoue, tantôt dans des zones de hangars parcourues de déchets, je suis soudain dévié sur la bretelle d’autoroute A2 et saisi de peur, forcé de rebrousser les 5 kilomètres que je viens de descendre, frôlé par des semi-remorques, inondé au passage par des véhicules qui filent à 100 km/h, croyant reconnaître des banlieues que je n’ai jamais vues, des banlieues qui ressemblent des banlieues, pour atteindre enfin la station de métro la plus excentrée de Madrid, celle de Jarama, le circuit de Formule 1, après quoi je navigue encore deux heures cherchant ce maudit quatre étoiles de Chamberí, le Jardín Metropolitano, où je dois retrouver Luv (elle a une chambre dans le quartier) constatant alors, dans une chambre au décor Las Vegas crème fouettée, que j’ai parcouru 102 km.