Mois : septembre 2021

Honte

Ren­tré de mon voy­age dans les pays de l’est pour par­ticiper à la plus grande com­péti­tion espag­nole de vélo en mon­tagne, il est peu dire que j’ai fait pâle fig­ure — j’ai renon­cé à pren­dre le départ. Il faut dire dans quelles cir­con­stances et con­fess­er ma honte. Toute la semaine j’ai par­fait mon entraîne­ment, grim­pant même sous la pluie des routes de 13% et 14%. La veille de la course, je pique ma tente au milieu de mille con­cur­rents sur un ter­rain de car­a­van­ing pro­vi­soire de S. Peu après arrivent du vil­lage  amis et voisins. Ensem­ble nous retirons les dos­sards, peaufi­nons la stratégie. Eux ren­trent dormir à la mai­son, j’avale des pâtes froides appuyé con­tre la voiture et bois de la bière avec des cyclistes Cata­lans. A minu­it, je me glisse dans mon sac de couchage. Autour de la tente, la fête se pour­suit. A cinq heure un quart, le ter­rain de car­a­van­ing se trans­forme ne champ de manœu­vres: les con­cur­rents débar­quent de toute l’Es­pagne, mon­tent les vélos, accrochent les dos­sards, mas­tiquent des bar­res de céréales, parta­gent du café dans la nuit. A sept heures, un coup de ton­nerre me réveille. Je sors une tête. Le ciel est plein d’é­clairs. Fidèle à ma con­vic­tion qu’en Espagne il ne pleur jamais longtemps je me ren­dors. Quelques min­utes plus tard, pluie dilu­vi­enne. Le vent fou­ette tente, la boue gicle sur la toile. Tête dehors, pour juger de la sit­u­a­tion. Grêle, pluie, éclairs et plus un cycliste sur le champ: remon­tés en voiture, ils scru­tent l’hori­zon à tra­vers le pare-brise. Je sors dans la nuit, je suis détrem­pé. Réfugié sous la porte de cof­fre des Cata­lans, je regarde ma tente valser au sol, mon frigidaire se cou­vrir de boue “Dans ces con­di­tions, dis­ent les Cata­lans, nous n’iront pas”. Légère accalmie. Je chauffe un café au sol. Mon nez ruis­selle, il fait 8 degrés. Nou­velle descente d’eau. L’une après l’autre les voitures quit­tent le champ. Les Cata­lans rem­bal­lent. J’en­voie un mes­sage aux amis du vil­lage. “Où êtes-vous?”. Pas de réponse. Je passe le cuis­sard, le mail­lot, com­mence d’ex­traire le vélo de la Dodge. La pluie aug­mente. J’en­lève le cuis­sard, le mail­lot. “On y va ou on annule?”. Pas de réponse. Un bon­net sur la tête, je me rends sur la ligne de départ. Quar­ante braves (sur un mil­li­er?) atten­dent dans le box des départs. Pas de vil­la­geois en vue. Il reste une demi-heure avant le coup de feu du départ (le min­i­mum pour s’équiper). La pluie redou­ble. J’en­voie un autre mes­sage. Pas de réponse. Entre temps, les Cata­lans ont décam­pé. Les cyclistes qui ont passé la nuit en car­a­vane se pho­togra­phient le pouce en l’air et quit­tent la ville. Je fais de même. Roule sur un chemin de boue, à tra­vers un pré et une urban­i­sa­tion, suis rabat­tu par un vig­ile, dirigé par un polici­er. Arrivé à  la sor­tie de S.  le télé­phone sonne: “Où es-tu? Nous déciderons dans une heure si nous prenons le départ.”. J’es­saie de rejoin­dre le groupe au Café Pire­naí­co en déchiffrant le plan de sit­u­a­tion que me trans­met Juan. Et me retrou­ve sur l’au­toroute entre deux bus-bal­ais, suivi d’un cortège d’am­bu­lances, inca­pable de déboîter, à emprunter la route du retour. Or à midi, j’ap­prends que les autres ont pris part à la com­péti­tion, qu’ils n’ont pas essuyé une goutte de pluie, que c’est main­tenant l’heure de dévor­er des côtes de bœuf pour célébr­er l’ex­cel­lent temps réalisé. 

La merde

Est-il pos­si­ble, après sur-édu­ca­tion, d’être plus idiot? Ceci est une suite de phras­es tirée d’un quo­ti­di­en de Genève. Arti­cle pub­lié ce jour. Il illus­tre ce que sont devenus la cul­ture, la morale, l’in­tel­li­gence tels que relayés et détru­its par le jour­nal­isme indus­triel. Si l’on ne com­prend pas, c’est que le texte n’est écrit dans aucune langue. S’il l’on ne com­prend pas, c’est qu’il faut un min­i­mum de sens pour com­pren­dre. “Mon pre­mier a com­mencé géo­graphe à Genève, mon sec­ond plas­ti­cien à Bienne et ma troisième artiste poly­mor­phe à Lau­sanne. Le rébus des Old Mas­ters combine d’abord les deux per­formeurs garçons dès 2015, avant que la petite dernière n’y trou­ve sa place l’année suiv­ante. Leur cha­rade a pro­duit les quatre touts qu’ont été «Con­struc­tionnisme»«Fresque»«L’impression» et «Le Monde». Réputée pour l’humour pince-sans-rire dont elle emballe ses créa­tions min­i­mal­istes, la tri­ade peut enfin, grâce à La Bâtie, révéler au grand jour la «Bande orig­i­nale» qu’un virus cau­tion­nant son légendaire pes­simisme avait étouf­fée au print­emps. Du titre de cette 5e énigme, somme des précé­dentes, les cosig­nataires ont fini par endoss­er le calem­bour. Por­trait d’une dou­ble bande, donc, celle de trois créa­tures post­néolithiques sur scène, et de trois hack­ers pré-apoc­a­lyp­tiques dans la vie. Tous extrater­restres bien sûr.”

Grippe 2020

“Pas plus que les gou­verne­ments, les lois ne vont con­tre l’opin­ion: tout cela n’est que de l’homme. Les dic­tio­n­naires con­sacrent les usages du par­ler; les lois les usages des mœurs”. Hen­ry de Mon­ther­lant, Car­nets, 1938.

Est (fin)

ITALIE — Salo, Vérone — SLOVENIE — Kop­er — CROATIE — Umag, Cres, Krk, Luko­vo, Makars­ka, Metkovic — BOSNIE — Neum, Bile­ca — MONTENEGRO — Niksic, Pluzine, Mrat­in­je, Pisce, Zab­jlak, Bije­lo Pol­je, Plav — ALBANIE — Kop­lik, Shkodër, Tirana — MACEDOINE — Shqiperia, Stru­ga, Ohrid, Skopie — BULGARIE — Skri­va Palan­ka, Sofia — Pleven — ROUMANIE — Bucarest, Arad — HONGRIE — AUTRICHE — ALLEMAGNE.

Est 27

Retour le pied au planch­er afin de quit­ter au plus vite l’Alle­magne où, comme en Autriche, sévit tout un règle­ment absurde autour de la fausse épidémie : restau­rants fer­més dans les vil­lages de Bav­ière, restoroutes ficelés de ruban de police tel des œufs de Pâques, crim­i­nal­i­sa­tion des sans-masques, garde-chiourmes devant les toi­lettes publics, par voie de con­séquence frus­tra­tion générale. Franchie à la tombée de la nuit la fron­tière suisse à Bre­genz, nous louons des cham­bres à Rhei­neck. Hôtel d’im­mi­gré avec lit étroit et lavabo vis­sé à la paroi au prix de Fr. 100.- La pizze­ria du vil­lage, deux tables pourvues de clients sur l’ensem­ble de la soirée. Le Kebab fast-food à néons, plein. Dans le ciel, des Migros, des Coop, des Lidl, des Aldi. Après avoir oublié deux fois son passe­port, per­du ses lunettes, son couteau, sa cas­quette, une veste, Evola cherche son télé­phone (il est dans le vil­lage voisin). 

Nocturne

Au milieu de la nuit, il se lev­ait pour se recoiffer. 

Seconds couteaux

Directeurs de fes­ti­vals, ani­ma­teurs de tables ron­des, organ­isa­teurs de lec­tures, représen­tants de revues, chroniqueurs-jour­nal­istes, ils vous en veu­lent quand vous refusez de leur servir de caution.

Paria

Tra­ver­sée de la Hon­grie. Pas­sage en Autriche — un mil­i­taire au milieu de la route. Il pleut. “D’où venez-vous?”. “Nous sommes allés faire du vélo.” “Bien­v­enue!”. J’ac­célère. Je roule plusieurs heures. Le soir, décompte du temps passé au volant: huit heures. Un petit vil­lage sur le bord du Neusiedlersee. Voiture ver­rouil­lée, je marche sur la pre­mière ter­rasse de bar, com­mande: “ein Bier vom Fass bitte!”. Le patron attrape un verre, fait couler la pres­sion, exige : “passe­port vac­ci­nal?”. Même chose dans le sec­ond bar, au restau­rant, au camp­ing. J’ai pas. J’au­rai pas. Evola de même. En fin de compte, je roule sur une laie forestière, j’en­fouis la voiture dans les arbres, nous piquons les tentes, nous man­geons au sol. Réveil­lés le matin par le tir des chasseurs. 

Femmes

L’indépen­dance des femmes a mas­culin­isé nos sociétés en même temps qu’elle les a dévirilisées. 

Est 26

Ville d’Arad en Roumanie pour cette dernière nuit de voy­age. Nous ne serons pas allés jusqu’à Odessa comme prévu. S’éloign­er de mille kilo­mètres encore eut beau­coup ral­longé la route du retour. Evola sem­ble déçu. Ou peut-être seule­ment silen­cieux à la per­spec­tive de retrou­ver Lau­sanne. Pour moi, j’au­rai encore deux jours d’au­toroute afin de gag­n­er les Pyrénées. Or, je suis inscrit à une com­péti­tion de vélo avec les coureurs du vil­lage. Eux m’ont cessé de s’en­traîn­er: Aubisque, Pierre-St-Mar­tin, Tour­malet, Marie-Blanque, ils alig­nent les cols. Dix jours d’en­traîne­ment autour de la mai­son devraient me per­me­t­tre de sauver l’honneur.