Temps gris: une pluie fine mouille les pins, des nuages couleur plomb sont arrêtés au-dessus de la vallée. Samedi après une sortie de 70 kilomètres à vélo, je traversais la ville, mais impossible de faire halte au supermarché pour ma commande de deux cents deux litres de Skol, mon voisin que je reconduisais au village était attendu pour lancer un barbecue. Aujourd’hui lundi, à l’heure de la sieste, je monte en voiture et vais chercher ma livraison. Grand calme dans les rues du centre. Devant le supermarché Minisuper, un camion jaune décharge des Donuts jaunes par centaines. La vendeuse Erika, galurin estampillé sur le front fait signe: “laisse la voiture au milieu de la route, je vais cherche ta bière!”. Tandis qu’elle organise le transport depuis son stock, j’achète des brosses à dents et des côtes d’agneau. La voici sur le trottoir qui roule les dix-sept paquets de six bouteilles et comme d’habitude plaisante sur mon coffre: “il est géant!”. Pourquoi les adultes parlent-ils de choses aussi insignifiantes? me demandais-je adolescent. La pluie, la température, les nuages, la taille du coffre (la vendeuse Erika fait à chaque fois la remarque). Lutte nécessaire de l’adolescent contre le néant. Qu’il comprend, qu’il entrevoit, qui l’effraie. Et qu’il doit dépasser. Il aimerait parler de la mort. Puis comprend ce que signifient ces propos insignifiants. A quoi ils servent. Signe qu’il a vaincu et peut entrer dans la vie. Même par un jour de pluie et de nuages bas.