Nocturnes

Des écol­iers mon­tent dans le train. Celui qui m’ap­proche par­le ain­si : “Vous avez une demi-heure, nous serons tous là”. Il me tend un livre écrit dans une langue incon­nue, me fait com­pren­dre que j’au­rai à par­ler des Tarahu­maras. Dans une demi-heure? “Oui, répond l’é­col­i­er, les bus qui con­duisent nos cama­rades sont en route”. Que sais-je de ces Indi­ens? Je m’ef­force de réca­pit­uler mes con­nais­sances (survi­en­nent dans le rêve les noms de Car­los Cas­tane­da et Antonin Artaud, mais aus­si celui de mon ami Tol­do de Mex­i­co D.F.). J’imag­ine un dis­cours général sur les eth­nies pré-colom­bi­ennes, me remé­more les arti­cles sur­réal­istes pub­liés dans l’Ex­cel­sior, la cor­re­spon­dance de William Bur­roughs… Puis je bute sur un obsta­cle : le livre que m’a remis l’é­col­i­er est écrit en Tarahu­mara. — C’est du cyrillique, s’écrie l’un des écol­iers. — Idiot, le reprend son cama­rade, c’est du latin ! Me tour­nant vers eux, je tranche: “c’est de l’idéo­gram­ma­tique!”. Et dis­ant cela, je vois que je vais, en dépit des obsta­cles, tenir une con­férence sur les Tarahu­maras, qu’il suf­fi­ra d’at­tein­dre la classe avant les écol­iers et de pré­par­er mon dis­cours. Or, au même moment, je con­state que le train s’est arrêté en gare de Lau­sanne, que les portes sont ouvertes et que je ne sors pas- “Il faut sor­tir et rejoin­dre l’é­cole!”, me dis-je. Mais je ne sors pas. Ce rêve, je le fais autour de six heures le matin. Les trois heures suiv­antes  (je me lève à 9h30) sont passées dans le demi-som­meil à pré­par­er ce que je vais dire des Tarahu­maras dont en réal­ité je ne sais rien.