Il neige. Seul bruit dans la maison, entre raclements et roucoulements, la chaudière. Dehors, le silence. La fenêtre du salon donne sur l’unique rue du Quartier des Champs. Elle blanchit. Premiers pas imprimés en fin de journée, signe que quelqu’un est enfin passé. Tout de même, je finis par sortir. Excursion chez le Chinois de Puente. Achats d’ampoules, d’une ardoise, d’une poubelle, de bougies et d’un paillasson, achats qui servent mettent une touche finale au chantier de la cuisine. Au retour, j’ouvre une bouteille de rouge, bouilli des choux de Bruxelles, grille un magret de canard du Gers, puis j’éteins la maison, enfile deux bûches dans l’âtre et dors. Il va falloir décider que faire ces prochains mois. Réorganiser la vie. D’ici à Noël, je vais peindre ou écrire. La collecte de concepts de philosophie commencée il y a quinze jours est en friche — j’hésite à poursuivre, sinon pour l’intérêt de la lecture. En effet, je doute de plus en plus de l’utilité de ce Robots et immigrés: les gens ont compris ce que nous vivons, n’est-ce pas? Si malgré tout, j’écris, je songe plutôt à une fiction. La table. Histoire d’une table fabriquée par un artisan de Castille en 1547 (il s’agit de la table sur laquelle je mange tous les jours) puis de sa transmission et des ses propriétaires successifs, occasion de parler de l’Espagne connue et moins connue. Un travail sympathique; car il y a aussi cela de risqué dans la continuation des recherches commencées avec H”, un effet rebond (encore une de ces expressions en vogue, lexique de l’écologie semble-t-il), bref l’augmentation de la désespérance. Peinture, écriture qui mènent à fin janvier-février. Ensuite? Revenir au projet de l’an dernier, rejoindre la Birmanie par la voie terrestre. Ou, plus pragmatique, commencer à étudier la culture potagère, acheter et aménager un terrain. Dans ce cas, se former en parallèle aux techniques de défense pour femmes, dans l’idée de les enseigner dans les villages (il faudra bien trouver un revenu). Et en mai, faire le tour d’Espagne à vélo. Sauf si je ne m’aperçois pas, en dépit des cris d’orfraie que je pousse continûment, que tout cela est d’ores et déjà, dans le nouvel état de dictature, compromis voir pénal.