Couché tard hier et assommé, puis au lever du jour, plein d’angoisse, incapable de bien reposer car je craignais que viennent frapper à la porte les monteurs (pour la cuisine). L’heure n’est pas suisse, mais à partir de 9h00, même en Espagne, l’horaire est légal. Or, je me suis mis au noir vers 4h00, content, fatigué, sans envie d’émerger. Si le cœur accélère, c’est qu’il va venir quelqu’un d’extérieur. L’esprit enflé de sommeil, je résiste de mon mieux — assez, je me lève, vaque, fais du café, des tartines, guette la rue, vois, ne vois rien. Personne. De toute la journée. Le soir, la température chute. Une semaine que le paysan et le guide m’en parlent: “il va neiger!”. Même l’heure est connue. Merveille de la technique transcendantale, de la science infuse ou des magies sombres, le lendemain, lorsque j’ouvre l’œil à 11h00, en effet, il a neigé et les toits, la rue, la montagne, le village, sont blancs. Deuxième jour, donc. Lentement, je prends possession de mon étage, allume le poêle, mets en marche le café, coupe le pain et ne crains plus les chantiers (ont dit hier qu’ils venaient, sont pas venus, vont pas me faire ça au culot?), quand se garent devant la maison les installateurs de la multinationale, ceux qui installent les meubles et doivent fixer les poignées, et quand je juge en avoir fini, c’est l’électricien qui déboule flanqué d’un Indien des Andes, il augmente la puissance des plombs, ce dont je me réjouis, et voici le moment de boire un café, mais non, le maire d’Agrabuey, une perforeuse dans les bras, saute d’un Nissan rouge, dit: “Alexandre, ça te va si je casse le mur pour l’évacuation du gaz, j’ai un moment de libre?”. Quatre heures de gravats, de trouage, de mousse expansive, de lissage-truelle. Voilà, temps après temps après temps, il est une heure du matin et je viens de garnir les armoires d’assiettes et de tasses et je viens de gratter le plâtre, j’ai retouché les peintures, lessivé le parquet et fixé contre le carrelage un suspensoir à casseroles chinois, et il neige, et le vin est rouge.