Foi

Jorge, le jeune maçon qui ravale mon mur intérieur, maçon pas si jeune, mar­ié à la ville, remar­ié, trois enfants, je voulais dire plus jeune que moi, Jorge, avec qui je dis­cute de la sit­u­a­tion — merdique, et en Espagne plus qu’ailleurs — me dit les yeux dans les yeux: “l’im­por­tant, c’est d’avoir la foi!”. Sur­pris, je réponds: “J’ai la foi!”. Ayant dit, je m’in­ter­roge: “foi? quelle foi? pourquoi par­le-t-il ain­si?” Et me fig­ure en toute spon­tanéité, la volon­té, la volon­té de croire, la volon­té de volon­té, l’ef­fort, l’homme, le bon sens… Il s’en va; je n’y pense plus. Quelques jours plus tard, je regarde l’en­trée de ma mai­son, là où tra­vail­lait le maçon. Un ex-voto slovène sur­monte la porte, un prieur trône sur le porte-man­teaux, le Christ en croix de Velázquez est vis­i­ble au pied de la paroi, puis il y a sous un verre, dans son cadre doré, une page de bible qui mon­tre le Christ en majesté. Plus avant, une icône de Kiev, au-dessus de la cage d’escalier une cru­ci­fix­ion par un maître suisse du XVI­Ième. Or, cha­cun de ses objets répond à un motif dis­tinct et bien sûr, aucun n’est lié à la foi…