Liquidation du vivant

Retranché en mars dans la mon­tagne suisse, je m’alar­mais des mesures poli­tiques pris­es à tra­vers le monde afin de juguler l’épidémie. Toutes déci­maient les lib­ertés. Irrecev­ables, aber­rantes, scan­daleuses, il en appa­rais­sait de nou­velles chaque jour. Comme il se doit, les esprits les plus solides cri­aient à l’ar­naque. Face à cette mise en échec inédite des per­son­nes, ils mis­aient sur le sur­saut naturel. Ils l’e­spéraient. Puis com­mencèrent à douter. Dev­inant que l’élé­ment clef du pro­gramme était de rem­plac­er la spon­tanéité par les règles — un fon­da­men­tal de l’ap­proche poli­tique — cha­cun pen­sait: cela n’abouti­ra pas. Moi le pre­mier. Or, je vois aujour­d’hui, soit vingt qua­tre semaines après le début de l’of­fen­sive de sape cul­turelle et morale, que je me suis moi-même habitué à con­sid­ér­er cer­taines de ces mesures comme “étant” (je ne dis pas “devant être”). Ain­si, je com­pose avec elles. Que valent mes réac­tions, trans­gres­sions, protes­ta­tions sinon con­stat? La réal­ité tra­vail­lée par l’ingénierie sociale efface peu à peu la réal­ité pro­duite par la vie.