Marche

Au-dess­sus des val­lées occi­den­tales, près du Som­port, longue approche par le défilé de Chiniprès où je m’é­tonne de voir des vach­es tant le sen­tier qui file sur le lit de la riv­ière est étroit. Le guide qui emmène le groupe déclare que nous en ver­rons encore. En effet, après deux heures d’ap­proche, le val­lon s’ou­vre sur un plateau humide, le trou­peau broute. Sur la gauche gauche s’élève jusqu’au ciel une paroi mar­quée de traces noires, ruis­selle­ments d’eau qui ali­mentent les pâturages, lesquels for­ment en hiv­er des cas­cades de glace. Après une nou­velle heure d’as­cen­sion en zigzag, comme nous atteignons les “ibones” (nom région­al des lacs d’ac­cu­mu­la­tion), les bêtes, de fortes géniss­es, sont à nou­veau là. Elles occu­pent un espace étale, vert et minéral, mais nous ne sommes tou­jours pas ren­dus. Le guide indique main­tenant en sur­plomb un rocher gris de deux cent mètres appuyé sur une épaule rouge. Je crois à une plaisan­terie; non, c’est bien cela que nous gravi­rons, et de m’indi­quer, petites comme la lunule de mon ongle des fig­ures qui se hissent sur la pointe extrême. “Des escaladeurs avec har­nais?” “Sans”, répond le guide. Des huit madrilènes qui for­ment le groupe (jeunes gens invités par un col­lègue de salle de fit­ness, un homme en chemise rouge de près de soix­ante-dix ans, par­ent du célèbre neu­ro­logue Ramon y Cajal), la moitié décide d’at­ten­dre au bas — peu ras­suré, je monte. Encore une heure, nous piéti­nons les plaques de neige. Or, non seule­ment, il y a là des vach­es, mais des chevaux sauvages. Aucun accès pour des bêtes aus­si gross­es. Je fouille le panora­ma. Ne trou­ve pas. Partout des som­mets escarpés. Nous enta­mons la dernière grimpe, entre les rocs éboulés, par­mi d’autres promeneurs, chevauchant des pier­res dressées telles des sta­lag­mites. Plus loin, il faut pass­er dans le chas de l’aigu­ille, puis sur l’autre face du som­met saisir une chaîne pour se hiss­er à tra­vers un couloir : je fais signe au guide, “le ver­tige, j’ai peur!”, et retourne à l’ ”ibon”. Autour de 18h00, nous sommes de retour au vil­lage: nous mar­chions depuis 7h00 le matin.