Stocké dans notre appartement sur la montagne, je désespérais il y a vingt jours de pouvoir franchir la frontière espagnole depuis la Suisse, suspendu aux proférations politiques de ce parlement de marionnettes se valant d’un comité d’experts invisibles (jamais ne fut accepté la demande de transmission au peuple des noms de ses membres) pour proroger au nom de la défense des corps une panoplie de mesures étouffantes, cherchant une issue à mon problème, joignant d’abord mon éditeur de Paris pour lui réclamer une lettre de contrat pour la traduction à l’espagnol de H+, ce qu’il fit aussitôt, puis, jugeant que ce n’était pas assez, que les militaire postés à la sortie du tunnel du Somport ne liraient pas le français, je pris la décision de contacter l’historien R.J., lequel avait en janvier corrigé l’introduction à la version espagnole du livre, pour lui demander s’il voulait bien, à condition que cela ne dérange pas, ne pose pas problème — précautions dont je m’entourais afin de ne pas le mettre en situation embarrassante en cas de refus — me faire parvenir un lettre pour un rendez-vous de travail. Pas de réponse. Dix jours s’écoulent. Sur la montagne, je suis plus affecté que je ne veux l’avouer. Il n’ose pas. Il est craintif. Nous sommes tombés. Tous. Voilà ce que je pense. Or, au bout du temps, voici sa lettre. A l’en-tête d’un faux éditeur, m’invitant à le rejoindre, me suggérant de travailler ensemble, avec mention du texte et date prévue de publication. C’est pour moi, à ce jour, la meilleure nouvelle de l’année. Cette amitié spontanée, toute morale, authentique engagement face à la difficulté personnelle de quelqu’un dont on se sent proche par les idées, acte que je crois toujours universel, qui ne l’est pas et que pour ma part je fais spontanément, chaque fois que l’on m’en prie, ne serait-ce que pour privilégier ce qui doit l’être, la personne et non les institutions, les ensembles, les pouvoirs, les coalitions, ces défaites architecturales.