Trajet 2

Midi, dès Alix­an la bour­rasque oblige à tenir le volant des deux mains. Les arbres tirent la langue, les flancs des semi-remorques se creusent. Par endroits, un nuage cède. Je bal­aie le pare-brise, pousse la musique. A Balaruc-le-Vieux, j’al­lume le téléviseur de l’hô­tel: villes sous les eaux, routes crevassées — habit­ule dans cette région de Mont­pel­li­er-Nîmes-Sète. Au super­marché, une halle d’un kilo­mètre, des Français plus enjoués, moins défaits que nos Suiss­es, de la nour­ri­t­ure à pro­fu­sion autour de laque­lle les gens par­lent. Il n’est que dix-sept heures. Que faire ensuite? Du moins ai-je bien fait de réserv­er une cham­bre de meilleur stand­ing: j’ai une fenêtre. Rideau tiré, je con­fec­tionne un sand­wich au pâté, avale les bières chaudes sor­ties de mon cof­fre. Les heures passent. Sur les galeries qui don­nent accès aux cham­bres, pas de nou­veaux voyageurs. Dans le park­ing, ma voiture est la seule à plaques étrangères. Il y a vingt ans, l’été, nous logions au même étage avec Olof­so et les enfants, en route pour Gim­brède à bord d’une voiture brin­que­bal­ante. Aujour­d’hui, elle se serait envolée.