Belle pluie grise. Qui ne change rien au silence mou de la station. Avant que je ne quitte la chambre, ayant mal dormi — il va être onze heures — Gala prépare un café d’encre, qu’elle boit, qui lui torpille le foie. Le reste du jour, elle rase les murs, s’efforce et peine. Lavé, remis sur pied, je travaille à la remonte des clients: “annoncez vos manifestations, donnez des affiches, nous sommes là!”. Quand mon termino sonne. Le médecin s’excuse: “Désolé Monsieur Friederich, j’ai un peu de retard.” Un peu? Une heure trente. Sauf que moi, j’attendais son appel, une consultation par téléphone, pour quatorze heures. Me suis trompé. Lui a raison. Logique. Bref, que veux-je? D’abord savoir pourquoi la gorge, les poumons, le ventre, le haut des couilles et mon cul brûlent. Il explique, fait la part de l’alcool, du dîner tardif et de… — j’oublie. Après quoi, je dis mon angoisse majeure: “je-ne-peux-pas mettre sur mon visage le masque des gouvernements, car je suis claustrophobeux, je souffre, j’étouffe, je meurs!” A raison, il m’oppose que ce n’est pas obligatoire. A quoi je rétorque, sans mentionner l’Espagne: “ici, non”. Je ne peux pas, insiste le médecin de Fribourg, car vous n’êtes pas dans la “population à risques”. N’est-ce pas extraordinaire toutes ces expressions qui disent qui vous êtes? Fin de la discussion thérapeutico-morale. Essayer-pas pu. Je me mets alors à mes corrections, toujours Notr Pays. Puis je veux aller faire du sport. Première fois en trois mois que c’est impossible: je l’ai dit, tombe une pluie grise à tendance drue. Donc, tout ceci, les singeries, sont faites en chambre. Heureusement (ping!), pendant les exercices un message arrive sur l’écran, c’est une copie de l’article paru ce matin dans Marianne sur H+ qui commence par ces mots, “Dans un brillant essai…”. Bon, bien. Car il faut se rassurer. S’aimer un peu. Puis c’est — déjà — l’heure de la bière. Et donc, tout va relativement bien, dans un monde en déconfiture, avec des foules neurodécérébrées qui clament à la surface de la planète leur bonne conscience pro-énergumènes tout en pillant des boutiques de chaussures à suspension, oui tout va bien, lorsque me parvient cette nouvelle : mon gérant de Fribourg vient de vendre un contrat d’affichage à un prix de faveur fou, concrètement moins de la moitié du prix. J’attrape le téléphone, m’emporte, hurle et lui raccroche au nez. Crétin! Non, pire: lorsque je demande, pourquoi mais pourquoi? Il dit: ces gens manquent de moyens ! Moyens! Moyens! Quels moyens! Alors que ma courbe cardiacofinancière est plate! Re-merde!