Mouvement 32

Belle pluie grise. Qui ne change rien au silence mou de la sta­tion. Avant que je ne quitte la cham­bre, ayant mal dor­mi — il va être onze heures — Gala pré­pare un café d’en­cre, qu’elle boit, qui lui tor­pille le foie. Le reste du jour, elle rase les murs, s’ef­force et peine. Lavé, remis sur pied, je tra­vaille à la remonte des clients: “annon­cez vos man­i­fes­ta­tions, don­nez des affich­es, nous sommes là!”. Quand mon ter­mi­no sonne. Le médecin s’ex­cuse: “Désolé Mon­sieur Friederich, j’ai un peu de retard.” Un peu? Une heure trente. Sauf que moi, j’at­tendais son appel, une con­sul­ta­tion par télé­phone, pour qua­torze heures. Me suis trompé. Lui a rai­son. Logique. Bref, que veux-je? D’abord savoir pourquoi la gorge, les poumons, le ven­tre, le haut des couilles et mon cul brû­lent. Il explique, fait la part de l’al­cool, du dîn­er tardif et de… — j’ou­blie. Après quoi, je dis mon angoisse majeure: “je-ne-peux-pas met­tre sur mon vis­age le masque des gou­verne­ments, car je suis claus­tro­phobeux, je souf­fre, j’é­touffe, je meurs!” A rai­son, il m’op­pose que ce n’est pas oblig­a­toire. A quoi je rétorque, sans men­tion­ner l’Es­pagne: “ici, non”. Je ne peux pas, insiste le médecin de Fri­bourg, car vous n’êtes pas dans la “pop­u­la­tion à risques”. N’est-ce pas extra­or­di­naire toutes ces expres­sions qui dis­ent qui vous êtes? Fin de la dis­cus­sion thérapeu­ti­co-morale. Essay­er-pas pu. Je me mets alors à mes cor­rec­tions, tou­jours Notr Pays. Puis je veux aller faire du sport. Pre­mière fois en trois mois que c’est impos­si­ble: je l’ai dit, tombe une pluie grise à ten­dance drue. Donc, tout ceci, les sin­geries, sont faites en cham­bre. Heureuse­ment (ping!), pen­dant les exer­ci­ces un mes­sage arrive sur l’écran, c’est une copie de l’ar­ti­cle paru ce matin dans Mar­i­anne sur H+ qui com­mence par ces mots, “Dans un bril­lant essai…”. Bon, bien. Car il faut se ras­sur­er. S’aimer un peu. Puis c’est — déjà — l’heure de la bière. Et donc, tout va rel­a­tive­ment bien, dans un monde en décon­fi­ture, avec des foules neu­rodécérébrées qui cla­ment à la sur­face de la planète leur bonne con­science pro-éner­gumènes tout en pil­lant des bou­tiques de chaus­sures à sus­pen­sion, oui tout va bien, lorsque me parvient cette nou­velle :  mon gérant de Fri­bourg vient de ven­dre un con­trat d’af­fichage à un prix de faveur fou, con­crète­ment moins de la moitié du prix. J’at­trape le télé­phone, m’emporte, hurle et lui rac­croche au nez. Crétin! Non, pire:  lorsque je demande, pourquoi mais pourquoi? Il dit: ces gens man­quent de moyens ! Moyens! Moyens! Quels moyens! Alors que ma courbe car­dia­co­fi­nan­cière est plate! Re-merde!