Littérature

Quel livre écrire? Kertész, Bern­hardt, Duras, en apnée dans les souter­rains, por­tant un fardeau, eux-mêmes, en cours d’ex­plo­ration et per­dus, à creuser, ram­i­fi­er les veines intérieures, reliés au com­mun par la seule musique de la phrase, géants qui s’épuisent, génies qui se meurent. Un héritage niet­zschéen. A mille dis­tance de toute poli­tique, une retraite au désert, dans le sein de nos cap­i­tales de pro­grès, de fausse cul­ture, logés, mal logés, mod­estes, déval­orisés, fous —  même s’ils pou­vaient entre­pren­dre la tra­ver­sée des sables de sépa­ra­tion, le désert, ces obses­sion­nels buteraient éter­nelle­ment con­tre un mur de vit­re tels des poulpes acci­den­tés qui, à l’el­lipse de leur tra­jec­toire glis­sent, tombent et que l’on regarde déchoir. Plutôt, il faudrait renon­cer à ce tra­vail de soupir écrit que nous pro­duisons texte après texte, pho­tophores alter­nat­ifs dans la nuit qui gagne afin de se réu­nir et mailler un monde autre, non pas jux­ta­posé (encore une poli­tique), mais super­posé, un monde qui referait la société, cette chose que l’on nous dit aujour­d’hui être le monde, le “seul monde pos­si­ble”, est qui n’est qu’assem­blage de matières, les unes vivantes les autres mortes (aube des robots), le tout volon­taire­ment con­fon­du. Mais, com­ment ces rares péné­trants, écrivains majeurs, sor­ti­raient-ils du texte? S’ils se sont enfer­més, c’est pour ne pas voir. Ils ont dit et dis­ent, ils ont écrit et con­tin­u­ent d’écrire pour ne pas voir, ne pas accepter, clamer qu’ils refusent et cepen­dant vivre, vivre en dig­nité. Un écrivain qui pénètre ne sort plus du texte, il va et va.