Le charpentier du village, un homme calme: il est fâché. L’Etat, dit-il, cette escroquerie. Lui qui passe ses jours sur les toits, brasse du mortier, élève des cheminées, cloue des lambourdes a dû fermer son entreprise, renvoyer ses ouvriers, assurer leur train de vie. Interdiction de travailler, interdiction de licencier, a décrété le gouvernement. Ne pouvait-il pas les mettre au chômage? Si. Mais alors, il devait les garder pour six mois à partir de la reprise. “Impossible. En temps normal, je ne sais même pas si j’aurais un chantier”. Puis sa femme tombe malade. Il la conduit aux urgences, présente sa carte. Ancien modèle, lui fait remarquer la secrétaire. “Pendant que vous soignez, j’irai la faire renouveler, fait-il valoir.” Le bon sens. Dans ces conditions, nous ne soignons pas, rétorque la secrétaire. Or, dans un coin de la pièce attendent une magrébine et son gosse. Ils ont la carte eux? demande le charpentier. Sortez ou j’appelle la police, répond la secrétaire à qui un infirmier prête main forte. “Voilà, on s’est fait avoir! Va raconter ça! Les gens ont peur de passer pour des fascistes. Le gens n’ont plus que ce mot à la bouche. Ici, au village, pendant le confinement, les patrouilles militaires n’ont pas cessé. La garde civile écumait cinq à six fois par jour, même la nuit on était pas tranquilles. Le voisin est sorti sur son pas de porte, il a écopé d’une amende de Euros 1000.-”. Si elles ne sont pas fondées en droit, il n’aura pas à s’en acquitter, lui dis-je. “Je te détrompe, vois comment ils procèdent. Le flic verbalise au nom du décret sanitaire, mil euros, si tu protestes, il ajoute mil euros pour entrave à fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, c’est leur formule. Ensuite, ça remonte à Madrid. Là, les politiques font le tri. Ceux qui ont résisté sont fichés. La première amende est abandonnée, pas la deuxième”. Avant de rentrez chez lui, il me dit encore l’air inquiet, l’air dégoûté: “cette situation à révélé à eux-mêmes ces caractères perclus de frustration, envieux, péjorés, tout un personnel aigri, certain militaires, eux, ont sauté sur l’occasion, trahi leur vraie nature, exécuté spontanément la basse besogne du gouvernement. Tu sais ce qu’a déclaré le vice premier ministre, le communiste Iglesias? Que tous les biens des individus appartenaient à l’Etat, que l’Etat pouvait en disposer à son bon vouloir”.