Calhoun

Direc­tion Puente, car il faut rem­plir les armoires et manger. A demeure, je n’ai jamais aimé descen­dre à la ville et ce matin moins que d’habi­tude; c’est l’Es­pagne qui remâche trois mois d’im­ages vio­lentes, res­pi­ra­tion arti­fi­cielle, blous­es blanch­es, cer­cueils, et porte désor­mais le masque comme elle a porté le sac­er­doce au temps du fran­quisme — avec le sen­ti­ment d’ac­com­plir une bonne œuvre. Puis un Espag­nol, ça par­le. C’est vivant, gestuel, vol­u­bile, cri­ard. Ce qui, tem­péra­ture prise, n’a pas changé. Sous le masque, les zygo­ma­tiques sautil­lent, la parole fuse. J’achète des légumes, du vin. Et fais ce que j’ai juré ne faire jamais, porter un masque. Assez, je le retire. Les regards biaisent. Plus incroy­able, dans la rue, près du petit marché, autour de ma voiture, un attroupe­ment. Tous par­lent de ma plaque: “lui est étranger, il vient de l’étranger!”