Mouvement 21

Le matin, réveil lent, peu motivé. Il pleut. Autour de l’im­meu­ble tra­vail­lent des ouvri­ers orangés, au badge com­mu­nal. Que font-ils? Je ne vois pas, je dors. Ils redressent un demi-talus, ils rog­nent une margelle. Je devrais avoir honte: “ne cri­tique pas le tra­vail!”. D’abord les tâch­es de force. Pour ces hommes, j’ai de la sym­pa­thie. D’or­dre mys­tique. Pas com­mu­niste. Juste ami­cale. Et lim­itée: je n’ai, à mon âge, plus aucune envie de m’in­ter­roger sur ces hommes. For­cé­ment, autre­fois, j’é­tais à leur place, pas mécon­tent d’ailleurs — je maçon­nais et creu­sais, je bal­ayais et col­lais. Mais aus­si, dans le décor qui moule ces jours nos paysages, coiffe notre société, impose les mou­ve­ments et met l’é­ti­quette au cou, qu’en ai-je à foutre des ces naïfs qui hon­orent la rou­tine et qui, par déf­i­ni­tion, feraient de même quel que soit le régime? Intéressés par la pelouse, le caill­outis et le génie sim­ple? Oui, je sais… mis­es en écho avec les dif­fi­cultés des pop­u­la­tions du tiers-monde, nos vies en butte avec la “nou­velle nor­mal­ité”, ce con­cept de fab­rique, ne sont que peu de choses. Sauf que nous sommes — nous étions — à dix mille ver­stes-espace de la tenue prim­i­tive des groupes humains: ces sché­mas de vie bar­bo­teux. Et que nous racon­tent les représen­tants pop­u­laires (en Suisse élus, ailleurs à définir) sur la foi de l’ig­no­rance, c’est à dire de la soumis­sion aux experts? Que la prise sys­té­ma­tique d’i­den­tité, que le traçage, que le con­trôle, que l’assig­na­tion à rési­dence et l’empêchement cir­cu­la­toire, que le droit d’ingérence au domi­cile et le menot­tage des récal­ci­trants… Mais pour quoi? La réponse est évi­dente. Matraquée. La presse rabâche ! Que nos vieil­lards (paix à leur avenir) ne meurent pas. Ain­si, cha­cun pour­ra sauver son corps des attaques par­a­sitaires. Et con­tin­uer de marcher, bais­er, boire, manger… Dans quelles con­di­tions? Silence. Il n’en est pas ques­tion. Oui, la société mérite d’être pour­suiv­ie. Et la notre est émérite. Dernier fleu­ron de la démoc­ra­tie (comme ça sonne bien ce slo­gan!). Mais s’il s’ag­it de nous réduire à la sim­plic­ité, au des­tin de l’outil, à la société de con­for­ma­tion ani­male et robo­t­ique (même chose), non, vrai­ment pas. Il faut sol­der ou aller de l’avant.