Le matin, réveil lent, peu motivé. Il pleut. Autour de l’immeuble travaillent des ouvriers orangés, au badge communal. Que font-ils? Je ne vois pas, je dors. Ils redressent un demi-talus, ils rognent une margelle. Je devrais avoir honte: “ne critique pas le travail!”. D’abord les tâches de force. Pour ces hommes, j’ai de la sympathie. D’ordre mystique. Pas communiste. Juste amicale. Et limitée: je n’ai, à mon âge, plus aucune envie de m’interroger sur ces hommes. Forcément, autrefois, j’étais à leur place, pas mécontent d’ailleurs — je maçonnais et creusais, je balayais et collais. Mais aussi, dans le décor qui moule ces jours nos paysages, coiffe notre société, impose les mouvements et met l’étiquette au cou, qu’en ai-je à foutre des ces naïfs qui honorent la routine et qui, par définition, feraient de même quel que soit le régime? Intéressés par la pelouse, le cailloutis et le génie simple? Oui, je sais… mises en écho avec les difficultés des populations du tiers-monde, nos vies en butte avec la “nouvelle normalité”, ce concept de fabrique, ne sont que peu de choses. Sauf que nous sommes — nous étions — à dix mille verstes-espace de la tenue primitive des groupes humains: ces schémas de vie barboteux. Et que nous racontent les représentants populaires (en Suisse élus, ailleurs à définir) sur la foi de l’ignorance, c’est à dire de la soumission aux experts? Que la prise systématique d’identité, que le traçage, que le contrôle, que l’assignation à résidence et l’empêchement circulatoire, que le droit d’ingérence au domicile et le menottage des récalcitrants… Mais pour quoi? La réponse est évidente. Matraquée. La presse rabâche ! Que nos vieillards (paix à leur avenir) ne meurent pas. Ainsi, chacun pourra sauver son corps des attaques parasitaires. Et continuer de marcher, baiser, boire, manger… Dans quelles conditions? Silence. Il n’en est pas question. Oui, la société mérite d’être poursuivie. Et la notre est émérite. Dernier fleuron de la démocratie (comme ça sonne bien ce slogan!). Mais s’il s’agit de nous réduire à la simplicité, au destin de l’outil, à la société de conformation animale et robotique (même chose), non, vraiment pas. Il faut solder ou aller de l’avant.