Mois : décembre 2019

Claque

Ren­con­tré l’autre jour, à Vidy, cet homme à demi-chevelu, coif­fé d’un cha­peau de feu­tre qui me tira un matin, sans rai­son, une claque alors que j’é­tais ado­les­cent et même petit dans la gare de Lau­sanne. Il me parut vieux. Les mots qu’il artic­u­la ne par­laient que de san­té. La sienne. Fuyante.

Cheval

Le fac­teur cheval eut l’in­tu­ition que le Palais devait être l’oeu­vre de sa vie lorsqu’il trébucha sur un cail­lou à la forme originale.

La vie après la vie

Élu­cubra­tions d’Elis­a­beth Kübler-Ross. Elle sait ce que nous savons tous. Ni plus ni moins. Son intel­li­gence est d’é­couter le désir du dés­espoir, sa per­ver­sité d’en tir­er prof­it. Cer­cle des voy­ants, des marabouts, des escrocs. Poudre de per­limp­in­pin. Cepen­dant, à la dif­férence des ces char­la­tans de bas étage elle tient — et mérite de tenir — sa légitim­ité de son tra­vail d’in­fir­mière, de con­fesseur de la souf­france, d’ac­com­pa­g­na­trice des morts. Mais de vision méta­physique? Aucune. De cer­ti­tude sur le Grand mys­tère? Allons-donc! Lemme: vous souhaitez pren­dre l’as­cen­dant? Dites ce que les gens ont envie d’entendre!

Ego-industrialisation

Mul­ti­pli­ca­tion des jeux de cirque sous con­trat avec séquences filmées: le rap­port de la plus-val­ue est en accroisse­ment con­stant (wing-suite, com­bats sauvages, duels auto­mo­biles, sauts de bar­rages, apnées…). Quand le risque aug­mente sur scène, c’est la mort qui aug­mente en coulisse. Tout un peu­ple con­somme avec brio ses min­utes de présence au monde.

Réaction 2

Afin de con­glomér­er les voix des con­tes­tataires qui, à tra­vers un pays de la périphérie, défient le pou­voir en place, se con­stituer pris­on­nier des réseaux soci­aux qui organ­isent, dans nos sphères cap­i­tal­istes, la déten­tion méthodique de nos corps et esprits.

Réaction

De la servi­tude volon­taire… A la mort de Godin (le marc­hand de poêles social­iste), le familistère de Guise con­tin­ue quelques années de vivre selon les règles de l’a­n­ar­chisme com­mu­nau­taire, puis des réformes com­men­cent de mod­i­fi­er le lieu de vie (con­trôle accru sur la cour et les jeux d’en­fants, fer­me­ture des pas­sages-galeries, etc.). Bien­tôt, l’as­so­ci­a­tion des locataires cède: l’e­space est pri­vatisé et ven­du par tranch­es, les jardins et le théâtre sont dés­ac­tivés. Ain­si l’héritage est déshon­oré par ceux qu’il a honoré.

Energumènes 4

Ce qu’ap­porte un indi­vidu qui ne sait lire ni écrire à une société comme la nôtre — épuisée, oppres­sante, ter­mi­nale, donc en phase com­bustible — c’est une inca­pac­ité à com­pren­dre, juger, et cri­ti­quer. Il est d’un grand secours.

Energumènes 3

Est plus facile à gou­vern­er un esprit qui loge dans un corps fonc­tion­nar­isé; statut général de l’artiste suisse.

Energumènes 2

Adolf Loos, théoricien du fonc­tion­nal­isme en archi­tec­ture, pour­fend­eur de l’orne­ment (1908), s’in­surgeant con­tre le passéisme poli­tique: “Mes bonnes inten­tions déplurent aux Amis du passé, et l’E­tat, dont la tâche con­siste à retarder les peu­ples dans leur développe­ment, se fit le défenseur de l’orne­ment men­acé. C’é­tait dans l’or­dre: l’E­tat n’a pas à charg­er ses fonc­tion­naires du soin de faire des révo­lu­tions… Il ne faut pas oubli­er que l’E­tat autrichien prend sa tâche au sérieux plus que tous les autres. Il pousse le respect du passé jusqu’à empêch­er la dis­pari­tion des “chaus­settes russ­es”; il oblige les jeunes gens mod­ernes, pen­dant trois années de leur vie, à marcher envelop­pés dans des ban­des de toile. Après tout, il a sans doute rai­son, étant admis le principe qu’un peu­ple retar­dataire est plus facile à gouverner.”

Energumènes

Sur la mer d’Al­bóran, flux inces­sant de pneu­ma­tiques chargés d’Africains qui avec l’aide des sec­ours en mer espag­nols débar­quent les mains dans les poches, prêts à être lavés, logés et entretenus avant de semer la zizanie, moles­ter, vol­er, selon les cas vio­l­er, con­for­mé­ment à l’ap­pren­tis­sage atavique, ce que que le gou­verne­ment nation­al sous tutelle mon­di­ale du demi-putchiste Pedro Gon­za­lez s’empresse de faire con­tester en man­dant ici et là des jour­nal­istes ren­dre compte d’at­troupe­ments qui cri­ent à la xéno­pho­bie (je ne serais pas sur­pris que ce per­son­nel, du reste en petit nom­bre, soit rétribué).