Quitté Agrabuey par le chemin. Les pluies et la neige gonflent les eaux de la rivière. Pour croiser les affluents, je porte le vélo. Passé Jaca, commence l’ascension qui mène au monastère. Sur le col, des chiens barrent le route. Je passe au travers. Ils suivent. Depuis départ pour Malaga il y a deux ans, j’ai oublié. Or, la descente qui mène dans la vallée n’est pas de celles qui s’oublient. Pas le moindre coup de pédale pendant une demi-heure. Autour, un désert de sapins blancs et de roche éboulée. La route se redresse à Triste. Un pont de métal enjambe le lac de barrage, je domine le cours du Gallego. A ce moment-là, j’ai soixante kilomètres d’avance, il n’est pas dix heures. Détrempé, grelottant, lorsque je m’arrête au milieu de l’après-midi dans une cantine, près d’un complexe cimentier, je n’ai fait que trente kilomètres de plus. D’abord, je renvoie le serveur: trop fatigué pour manger. Une salade, une soupe, je me chauffe les mains sous le sèche-mains et repars. Il pleut, mais s’est surtout le vent contraire. Si la route filait à travers un relief ou des arbres, mais elle est américaine, une droite sur plus de quarante kilomètres. La nuit tombe quand j’atteins Ejea de los Caballeros, demi-ville cachée derrière des collines terreuses aux allures de termitière. Un bulgare me loge dans une pension pour saisonniers arabes.