20 ans

Dans Gal­luz­zo, encore et tou­jours la même chaleur. Les bus tra­versent une matière épaisse, les branch­es des arbres pen­dent assoif­fées. Le dernier voisin est par­ti hier pour la mer. Nous sommes seuls, Gala et moi, dans la pénom­bre, avec nos ven­ti­la­teurs, des livres, de la musique et le petit con­géla­teur où je cale mes bières. Même le coq et l’oie font silence. Ils ne chantent et dis­cu­tent que vers cinq heures, lorsque le ciel blan­chit. Aplo fait ses vingt ans aujour­d’hui. Pour le six­ième mois con­sé­cu­tif, il est à l’ar­mée. J’écris dans la mansarde, ou plutôt je traduis, à rai­son de deux pages par jour, l’es­sai à l’es­pag­nol. Fini la semaine dernière Le roi de Suisse. Gide écrivait cer­tains de ses livres pour vingt proches à qui il envoy­ait soigneuse­ment, sous pli. Je fais mieux: la pièce a été envoyée à qua­tre amis — qui m’en ont aimable­ment fait retour. Cepen­dant les pro­jets se mul­ti­plient. Il suf­fit que les édi­teurs pren­nent de l’in­térêt à votre tra­vail pour se sen­tir d’at­taque. Et déjà se dessi­nent les thèmes d’un nou­v­el essai sur la philoso­phie des réseaux.