Suisse

Long voy­age en train à des­ti­na­tion de Lau­sanne. La voie qui mène de Flo­rence à Bologne puis Stre­sa et le Valais, com­prise comme elle est entre des pans de mon­tagne, pro­duit une sen­sa­tion d’é­touf­fe­ment. Ce sont d’abord les tun­nels qui ponctuent la tra­ver­sée de la Toscane, puis la plaine indus­trielle des alen­tours de Milan, enfin les val­lées éden­tées qui don­nent l’as­saut du Sim­plon. Par endroits, un peu de lumière jail­lit par les fenêtre, puis à nou­veau le noir. Par­tis en mat­inée de San­ta-Maria-Novel­la, nous posons nos valis­es dans l’ar­rière-bou­tique sept heures plus tard. J’ap­pelle Mamère. Aus­sitôt, elle est à la porte. Gala en prof­ite pour se réc­on­cili­er: voilà six ans que les deux femmes ne se par­laient plus. Sit­u­a­tion dif­fi­cile, qu’un homme ne peut résoudre (fils, amant, mari, la pos­ture est inex­tri­ca­ble). Ensuite, sur une ter­rasse du boule­vard de Grancy avec Mamère. “Je renonce à com­pren­dre tes déplace­ments”, me dit-elle. Admet­tons, même pour moi ils sont com­pliqués. Et puis je viens de lui annon­cer que fin août je ren­tr­erai à Agrabuey en bateau. Etrange, car si l’on pense train, avion, voiture, à notre époque on pense rarement bateau. Or, je viens de con­stater que l’on peut voy­ager en couchette, avec son véhicule en cale, de Gênes à Barcelone. Le soir, dans une chaleur pénible — moin­dre toute­fois que dans la cuvette flo­ren­tine — apéri­tif sur apéri­tif. Soudain, le locataire du mag­a­sin (autre­fois bro­can­teur, il polit dans la salle du fond des ver­res ébréchés) et son fils. Qui se met­tent à cir­culer dans notre bureau d’af­fichage. Et par­lent d’in­staller un mag­a­sin de bière arti­sanale. Ce que j’en pense? Rien — je dis “oui”, tout en songeant, “nous verrons”.