Hier mon voisin avocat frappe à la porte. Incrédule, ravi de sortir du silence, j’ouvre la porte:
-Moi qui ne connaît personne, je me demandais: “qui peut venir?”
-J’arrive à l’instant de Saragosse, tu avais la lumière!
Comme je l’invite à prendre un verre, il prétexte une descente à la ville, me tend son phare arrière de vélo que je promets de recharger — s’en va. Je m’aperçois alors que je vis depuis mon retour de périple en guenilles. Bermudes militaires thaïs rapiécés, pantoufles, T‑shirt déformé. Une honte. J’habille l’homme, j’attends. Deux heures plus tard, il reparaît. Comme je veux montrer mon voyage à l’écran, il afiche des sites de haute technicité, montre des courbes de niveau, des calories, des distances et apporte dans mon salon un splendide vélo profilé dont me réjouis l’esthétique mais que je suis incapable d’apprécier à sa juste valeur ne connaissant rien à ce domaine de spécialisation. Puis retour aux sites de calcul. A la fin, il me propose de randonner le lendemain . J’aimerais, mais j’ai bu, je n’ai pas soupé, j’ai 1200 kilomètres dans les jambes. De plus je songe. “partir pour revenir, mm… Ce n’est pas enthousiasmant…” Me proposerait-il de partir loin, je ne dis pas. Du reste, je m’aperçois que j’ai déjà mis le matériel en carton, par anxiété, par esprit d’ordre, pour anticiper, prévoyant que les heures seraient comptées entre notre retour de Madrid, avec Gala, dans une semaine et la mise en route pour Florence, en voiture. Diego comprend, salue. A midi, quand j’émerge dans ma chambre parfumée à la lavande, il décroche de son garage impracticable, tourne la voiture dans notre rue minuscule, s’en retourne. En soirée, le voisin paysan:
-Je crois qu’il n’est pas sorti ce matin. Tu as vu, il pleuvait.