Routes de grand danger. La bande côtière défile au-dessus d’un fossé, à gauche passent les poids lourd. J’ai mon rétroviseur fixé au casque mais je tremble. Une erreur de conduite, je me plante le bec en contrebas ou passe sous un pneu. Plus tard, c’est le vent. Un cauchemar. Latéral, par bourrasques. Puis frontal. Alors, l’effort est double. Quand je me tire enfin de cette contrée de fabriques à pellets, de garages à tracteurs et d’usines à fertilisants, j’ai quarante kilomètres d’une route au relief de vieille pomme. Mais je ne plains pas: c’est l’avant-dernière étape, demain je couche dans mon lit. A l’arrivée, Ayerbe. Même ville céréalière que ces calamités repeuplées à la va-vite d’Arabes, mais qui de plus s’est découvert un destin touristique (il faut le voir pour le croire) et ainsi, pour la première fois depuis la sortie de Malaga, je me retrouve dans une situation que je qualifierais de suisse: personne ne veut me faire un sandwich. Ces imbéciles sont là pour faire de l’argent pas pour servir le client, bref je n’ai qu’a acheté ce qu’il y a (il n’y a rien). Vingt heures, je me couche après 127 kilomètre, le ventre vide.