Mois : avril 2019

Passé composé 2

Et ma femme, Gala, pre­mière fois.

Passé composé

Ce que je vis, je l’ai vécu. Ce que je con­nais, je le recon­nais. Ceux que je n’ai jamais côtoyés, je les côtoy­ais. Ma famille est à part. Pre­mière fois.

Retour à la démocratie

Inter­dire les politi­ciens. Vot­er des pro­grammes au cens nation­al — qua­tre généra­tions d’ap­par­te­nance pour jus­ti­fi­er un citoyen. Nom­mer arbi­traire­ment des admin­is­tra­teurs pris dans le peu­ple. Ils sont respon­s­ables de la mise en oeu­vre du pro­gramme et démis (le cas échéant pénal­isés) s’ils n’ad­min­istrent pas légitimement.

Corruption

Jamais jusqu’i­ci — il y faut donc de la vieil­lesse — je ne m’é­tais aperçu à quel point le prob­lème est la cor­rup­tion, effet de la faib­lesse, dont relève aus­si la loi. Ce qui, je dois l’as­sumer, tout incroy­ant que je sois, fait de ma morale une morale religieuse.

Vayakorn

Demandé mon visa pour la Bir­manie. La secré­taire :
-Vous voulez allez à Naypyi­daw?
Mais une fois con­fir­mé, elle dit:
-Apporter le bil­let d’avion et ce sera prêt mer­cre­di.
Je retourne au cen­tre-ville, achète un bil­let en ligne Vien­tiane-Suvarn­ab­hu­mi-Naypyi­daw, change des dol­lars, loue un vélo, roule les dix kilo­mètres le long du fleuve, tra­verse le car­refour dan­gereux le vélo sur le dos, tra­verse le quarti­er des écoles, sonne au por­tail de l’am­bas­sade de Bir­manie, le por­tail coulisse, je rem­plis la main courante, je tends mon bil­let d’avion à la secré­taire, je tends mes dol­lars à la secré­taire et la secré­taire me rend mes dol­lars:
-Là, vous voyez, les bil­lets sont déchirés.
Je tire la tête.
-Désolé, le gou­verne­ment du Myan­mar n’ac­cepte pas les bil­lets déchirés.
Je tire la tête.
-Bon, vous paierez mer­cre­di.
Je reprends la vélo, roule le long du fleuve, rap­porte les bil­lets à la banque, ren­tre dans la cham­bre du Vayako­rn, met le ven­ti­la­teur, ne bouge plus — qua­torze heures, il fait quar­ante degrés.

Pierre de Vientiane

Soirée avec des Français à l’an­gle de l’av­enue Set­thathi­lath. Sym­pa­thique, désor­don­née, infer­nale. Au début, dis­cus­sion de bon aloi. Il y a une magréb­hine. Elle ingère de gross­es quan­tités de pastis, par­le de la mort subite de son petit-fils et du cous­cous qu’elle cui­sine deux blocs plus loin. Et le patron, Pierre, assis dans un fau­teuil à bas­cule, la chemise ouverte. Il tape sur les fess­es de ses serveuses, avale des bières minia­tures, en avale sept, huit, dix (la serveuse m’ac­com­pa­gne aux toi­lettes demande si elle peu — “non”). Entre eux, puis avec moi, Annie l’Arabe et Pierre le Français par­lent de fac­tures, d’im­pôts, de tax­es, de vol, de ban­ques. Soudain débar­que un cou­ple de Mont­pel­li­er. “Cou­ple” car ils ont l’air de vivre ensem­ble quoiqu’il ne soient qu’amis, mais amis ils le sont comme on l’est à l’ado­les­cence. Ils ont cinquante ans. L’un plat comme une limande, hilare, ivre; l’autre, surex­cité, suant, ivre. Tous deux nar­rent et dans les détails, on imag­ine lesquelles, leurs ren­con­tre avec des Séné­galais­es. Mais, se lamentent-ils, “on les a per­dues en route!”. Puis ils coupent court, les voici! A peine ai-je le temps de me gar­er, elles sont sur leurs genoux. Com­ment font-ils pour tenir l’équili­bre sur ces tabourets pour rachi­tiques? Car leurs Africaines ont un poids de camion. Après avoir passé quelques com­pli­ments salaces, le plus lancé :
-C’est bon, on les embar­que!
-Hec­tor, elles par­lent français! Observe l’autre.
La plus épaisse des Africaines, s’esclaf­fant:
-Mais oui, on par­le français!
Pierre, le patron:
-J’ai un bar clan­des­tin der­rière, on y va tous.
Je décline. Reste le temps de cette con­ver­sa­tion:
-Tu vois ces filles sur le trot­toir en face? Me fait Pierre.
Fines, dotées, hautes, presque nues. Des putes Laos.
-Que des mecs! La poitrine, c’est à ça que tu pens­es? Eh bien, elles pren­nent la pilule, ça pousse! Allez, au bar!
-Mer­ci pour la soirée, je ren­tre!
-Alexan­dre!
-Non, non vrai­ment!
-Eh bien moi, dit Pierre, quand ça sera foutu ici, j’i­rai en Grèce ou en Catalogne!


Dieu violent 2

Une heure après avoir méjuger ici de la morale des puri­tains néo-zélandais, je me promène le long du Mékong avec un ingénieur des eaux néo-zélandais qui me dit: “La déci­sion prise par notre pre­mière min­istre est con­tro­ver­sée. Dis­ons que la moitié d’en­tre nous est con­tre.” Puis il me par­le de son tra­vail, en cam­pagne, avec une équipe de Laos à qui il s’adresse par le biais d’un inter­prète:
- En général, ils sont d’un car­ac­tère pais­i­ble, mais si l’un d’en­tre eux s’én­erve, ça peut aller loin. Le mieux est encore de s’éloign­er. Lorsque je reviens, il n’est pas rare que l’in­di­vidu ait dis­paru. Je ne demande rien, on ne me dit rien”.