Montagne-fin

Descen­du par les mêmes moyens de Leysin, ce train de maque­tte, brun caramel. Descente belle et laborieuse dans le bruit des engrenages. Sur la pente ver­moulue de la forêt, deux paysans plantent à la masse des pieux. Gala demande ce qu’on ferait — si l’on venait à s’in­staller — sur de ces raideurs. Je regarde au fond de l’en­ton­noir, j’ad­mire. Elle demande: “chéri, où est la route?” Com­ment saurais-je? A Aigle, sur le plan, nous nous séparons. Son train va dans une direc­tion, le mien dans l’autre. Hier elle annonçait: “je vais pleur­er”. Comme elle a déjà pleuré, elle ne pleure pas. Pour moi, même sen­ti­ment. Avec l’idée, une fois encore, que l’avenir nous sera un remède. Nos têtes sont pleines de pro­jets. Faut-il le dire: des pro­jets hasardeux, risqués, pas­sion­nels. Néan­moins réels. A la clef (qui peut se van­ter désor­mais d’échap­per à la broyeuse?), con­trats nom­i­nat­ifs et argent dépen­sé. Donc cal­cul. Hélas. Je tends à ma femme son bagage, change de quai, me rend à Sion où j’achète dans une ban­lieue des jou­ets de guerre à une Ital­i­enne qui va se faire opér­er du nez, puis reviens à Lau­sanne où j’ap­prends que les fonc­tion­naires de la Ville, cette engeance, vient de pren­dre des mesures de droit pour per­me­t­tre à une donzelle d’E­tat embauchée par la man­i­fes­ta­tion Lau­sanne-Jardins d’in­staller je ne sais quelle déco­ra­tion végé­tale dans le pas­sage souter­rain de Saint-François où nous avons depuis 12 ans, créée de toutes pièces, une vit­rine d’af­fichage qui annonce les événe­ments cul­turels. Une vit­rine qui rend ser­vice, plaît et rap­porte. Sauf à me répéter… pour le bom­barde­ment de la ville de Lausanne.