Famille

Aplo de retour des casernes de Thoune, grenadier de char, tenue kaki, belle démarche, et con­tent. Ici, je répète ma sur­prise, me réjouis et for­mule une cri­tique: force est de con­stater que la dis­ci­pline intérieure que je pra­tique, cette dis­ci­pline qui per­met de met­tre dans l’ap­parence autant d’a­n­ar­chie que l’on souhaite, n’au­ra pas été un mod­èle suff­isant. Les enfants con­stru­isent j’imag­ine d’après ce qu’ils voient, et ne peu­vent accéder d’emblée aux rap­ports sub­tils (ajou­tons que je n’ai jamais fait “le père”, je veux dire con­di­tion­né mes actes et pen­sées pour offrir un mod­èle). Dès lors, je me félicite. A être soumis aux règles et admin­istré dans ses mou­ve­ments par une hiérar­chie, mon fils sem­ble décou­vrir les moyens de se mou­voir en société. Il m’embrasse, affectueuse­ment me tape dans le dos, nous gravis­sons le Petit-Chêne et entrons à la brasserie du Palace de Lau­sanne. Là, il me tâte sur son pro­jet : pren­dre du galon. Pour moi un cauchemar, mais qui me sem­ble, vu ain­si, pour Aplo, la meilleure des idées. Pass­er du sché­ma subit aux respon­s­abil­ités qu’im­plique de faire respecter le sché­ma aux autres est sans doute un exer­ci­ce de car­ac­tère. Que je n’en ai jamais con­sid­éré l’u­til­ité indique seule­ment que j’avais en ma pos­ses­sion — vraies ou fauss­es — les principes sur lesquelles j’en­vis­ageais fonder mon avenir. Le soir, après une prom­e­nade au Denan­tou et autant de dis­cus­sions, Aplo ren­tre à Genève. Je retrou­ve mon père (qui vient de pub­li­er son auto­bi­ogra­phie) et sa femme dans une pizze­ria sous-gare : ils arrivent d’Alle­magne en voiture, repar­tent demain à Budapest en avion.