Mon vendeur de bière au supermarché Conad, derrière la Casa Buonarotti:
-Toujours à remplir les étagères?
-Hé, je n’arrête pas de travailler!
-Combien d’heures par jour?
-Quatre.
-Bon.
-Oui, mais il m’en faut autant pour faire l’aller-retour depuis la banlieue.
Puis nous faisons notre petite leçon d’anglais quotidienne, lui traduisant de l’Italien, moi corrigeant.
Mois : octobre 2018
Leçon
Partout
Partout le même plaisir, écrire, lutter, boire, penser; mais aussi, ce programme partout le même, discipliné, constant, volontaire, dissout les circonstance, abolit l’espace comme le temps, fusionne les composants unique de Florence — anti-artistique, il réunit aux idées et sépare du réel.
Vélo
Acheté un vélo. Se rendre à la Palestra en bus est trop compliqué, trop cher, trop lent. Et faire à pied seize kilomètres après deux heures d’entraînement, il ne faut pas exagérer. Gala me laisse sur le trottoir de la Via Ghibellina:
-Je vais négocier.
Quand elle revient, il y a une heure que je poiraute, elle a une bière à la main, elle me fait signe, me présente un Brésilien de deux mètres qui connaît mon nom, mes besoins, ma nationalité, me connaît. Nous rentrons dans la boutique, elle me présente un autre garçon, à barbe:
-Alexandre, c’est Alexandre.
Le salue Alexandre, me retourne, Gala a disparu. Elle rapporte des bières, fait la distribution, annonce qu’elle doit partir pour sa classe de dessin, me plante là, entre Alexandre et le Brésilien qui est occupé à réparer une selle. Plus rien ne se passe. Cinq, dix minutes. Cette façon de faire est aux antipodes de ma façon. Mais voilà, j’attends.
-Encore cinq minutes, annonce le Brésilien.
Puis nous parlons de surf, de Lombok, de Sao-Paulo, de parapente, d’applications pour les téléphones et buvons une birra Moretti. A la fin, il sort un carnet et fait un savant calcul. J’obtiens un vélo, que j’achète, qu’il rachètera, un vélo qui est neuf mais qui n’est pas celui que je voulais, avec un cadenas, il m’en coûte 134 Euros, dans vingt-deux jours Aldo me rendra 90 Euros.
Eau
Hier, me dit Monfrère, annonce de pollution du réseau municipal d’eau à Blonay, canton de Vaud. Aussitôt, les étalages d’eau des supermarchés sont vidés. Mais bien sûr, comme me disait cette amie écrivain il y a dix ans comme je dévoilais mon jeu : “le survivalisme, tu ne vas pas te mettre à croire ces bêtises, Alexandre!”
Arabes
Une histoire amusante se déroule dans la rue, sous notre appartement. Elle a ses épisodes. Les Arabes occupent dans l’immeuble un fond de cour fermé par un rideau de garage. L’enseigne annonce “centre culturel islamique”. Pratiquement, ils se déchaussent et prient. De retour dans la rue, ils traînent sur le trottoir opposé. Voilà pour la situation de départ. Car au bout de quelques jours, l’un de ces hommes a eut l’idée d’apporter une bouteille d’orangeade et des verres. Dès lors, on traîne et on boit. Le jour suivant, on boit et on mange. Un collègue de l’homme à la bouteille tartine des demi-baguettes et vend ses sandwichs. Puis le marché s’étend. Des couvertures sont déroulées au sol, des paires de godasses et des vieux vêtements jetés sur le tas. On échange, on achète, on vend. Une véritable “histoire primitive du marché”. A ce stade, je me dis: et quoi? ils vont prier dans la rue et camper dans le square? Fin du week-end, les cantonniers apportent un camion de peinture, la police fait décamper les automobilistes garés contre le trottoir, une ligne blanche apparaît. Tout le long du trottoir, là où les Arabes font communauté. A la tombée de la nuit, les cantonniers s’en vont. Le square, la ligne, pas un Arabe. Ce matin, je me penche par la fenêtre: mêmes couverture déroulées, sandwichs et godasses. Et maintenant?