Mil deux cent mètres

Pen­dant la fête, le maire me fait: “tu es mon­té à vélo ? Au refuge? Eh bien! Juste­ment, on va faire le chemin avec des amis. Je te dirais!” Le lende­main: “tu es déjà mon­té par la piste des Blancs?”. Ce qui me don­na à penser qu’il avait bu et con­fondait; j’ou­bli­ais l’af­faire d’au­tant plus que moi aus­si j’avais bu, bref, j’avais dû mal com­pren­dre, il n’é­tait pas ques­tion de sor­tir ensem­ble à vélo. Or, ce ven­dre­di, après mon tra­vail d’écri­t­ure, comme je me balade le long de la riv­ière ma chope de bière à la main, je croise le maire:
-Ren­dez-vous sur la place demain à huit heures!
De retour à la mai­son, je m’aperçois que j’ai accep­té et vais devoir refaire les vingt kilo­mètres d’as­cen­sion sur ce chemin de cail­loux et je m’in­quiète: à mon rythme c’é­tait pénible; pire que ça, affreux. Deux heures trente à pédaler par des pentes de douze et qua­torze pour cent sur des roues qui pati­nent (je n’ai pas de VTT). Inqui­et, je me couche tôt et dors mal. Des cyclistes me pour­suiv­ent. Je vole un tank. La tourelle est fer­mée. J’ori­ente le canon. Il démarre. J’écrase les cail­loux de la piste: ain­si les pneus accrocheront. Dès que j’ai pris l’a­van­tage sur les pour­suiv­ants, je saute sur mon vélo. Il résiste. Il est à plat. Crevé. Je vois: il roule sur la cham­bre à air… Sept heures son­nent. Je déje­une, je m’équipe, je rejoins la place. Le maire me présente aux huit grimpeurs. Ils arrivent de la ville voi­sine, à vélo, par les cols, sur des machines dernier cris (l’un d’en­tre eux à même un moteur).  Cinq min­utes plus tard, nous sommes en route. Les plus forts pren­nent de l’a­vance, dis­parais­sent. Je lutte pour rester dans le groupe du maire. Comme moi, il souf­fre. Le rythme est trop élevé. Au bout de la pre­mière heure, j’ai un doute: vais-je tenir?
-Vous avez vos pul­sa­tions?
Les coéquip­iers con­sul­tent leur ordi­na­teurs. Cela me ras­sure, je suis dans la moyenne et ils ont vingt ans de moins. Mais bon, encore faut-il tenir. A mi-dis­tance, j’avale un liq­uide. Pre­mière fois que j’es­saie un de ces trucs. Effet immé­di­at: baisse de fatigue et sur­plus d’én­ergie. En fin de compte, nous atteignons le som­met en deux heures et quart, soit dix min­utes de mieux que lors de ma sor­tie en soli­taire. Alors le maire :
-Le rouleau com­presseur est passé lun­di, c’est un peu moins dur !