Quoiqu’il y eut cette fois peu de crustacés, et si j’essaie de recomposer la table, mise en terrasse, à l’abri de l’église, sous un arbre à l’épais feuillage, même aucun, mais un riz noir, des pâtés, trois gâteaux, un bol d’olives et une salade, deux tortillas enfin, dont l’une mienne, déclarée étrangère, et qu’il faudrait goûter avec le plus grand soin avant de lui attribuer une note, déclara Bégonia, ce que personnellement j’aurais voulu faire aussitôt, impatient de manger tandis que les autres, qui pourtant avaient annoncé le repas pour vingt heures, proposaient maintenant, à 23h20, que l’on attende Eve et Djordje pour commencer. A la fin, ceux-ci arrivèrent et la musique venue de la salle communale, sur la place, où se tenait le bal, résonnait depuis deux bonnes heures quand Luis suggéra de rejoindre la fête. Peu après, au milieu des voisins, tous visages connus, un bingo était joué pour une patte de jambon puis la musique relancée par un orchestre antédiluvien dont le chanteur montrait le physique d’un lutteur appenzellois ou d’un leveur de pierres. Il chantait à l’avant-scène, d’une voix aiguë, micro-boule en main, des tubes espagnols, aragonais ou peut-être agrabueyens que les Agrabueyens reprenaient en chœur, tout sourire ce qui, à mesure que j’éclusais les bières, me semblait plus comique, de même que me ravissaient les deux acolytes du groupe, sortes de perches dressées derrière des triples claviers, une femme à demi-androgyne à gauche, un sud-américain adolescent à droite. Et cependant, nous allions et venions, du bar à la place et de la place à la salle, chacun apportant sa tournée, de sorte qu’à quatre heures du matin nous étions toujours là, à écouter la musique et regarder les enfants s’épuiser à des jeux d’eau dans la nuit et par une chaleur de trente degrés qui semblait ne jamais devoir retomber.