Crustacés 2

Quoiqu’il y eut cette fois peu de crus­tacés, et si j’es­saie de recom­pos­er la table, mise en ter­rasse, à l’abri de l’église, sous un arbre à l’é­pais feuil­lage, même aucun, mais un riz noir, des pâtés, trois gâteaux, un bol d’o­lives et une salade, deux tor­tillas enfin, dont l’une mienne, déclarée étrangère, et qu’il faudrait goûter avec le plus grand soin avant de lui attribuer une note, déclara Bégo­nia, ce que per­son­nelle­ment j’au­rais voulu faire aus­sitôt, impa­tient de manger tan­dis que les autres, qui pour­tant avaient annon­cé le repas pour vingt heures, pro­po­saient main­tenant, à 23h20, que l’on attende Eve et Djord­je pour com­mencer. A la fin, ceux-ci arrivèrent et la musique venue de la salle com­mu­nale, sur la place, où se tenait le bal, réson­nait depuis deux bonnes heures quand Luis sug­géra de rejoin­dre la fête. Peu après, au milieu des voisins, tous vis­ages con­nus, un bin­go était joué pour une pat­te de jam­bon puis la musique relancée par un orchestre antédilu­vien dont le chanteur mon­trait le physique d’un lut­teur appen­zel­lois ou d’un leveur de pier­res. Il chan­tait à l’a­vant-scène, d’une voix aiguë, micro-boule en main, des tubes espag­nols, arag­o­nais ou peut-être agrabueyens que les Agrabueyens repre­naient en chœur, tout sourire ce qui, à mesure que j’é­clu­sais les bières, me sem­blait plus comique, de même que me ravis­saient les deux acolytes du groupe, sortes de perch­es dressées der­rière des triples claviers, une femme à demi-androg­y­ne à gauche, un sud-améri­cain ado­les­cent à droite. Et cepen­dant, nous allions et venions, du bar à la place et de la place à la salle, cha­cun appor­tant sa tournée, de sorte qu’à qua­tre heures du matin nous étions tou­jours là, à écouter la musique et regarder les enfants s’épuis­er à des jeux d’eau dans la nuit et par une chaleur de trente degrés qui sem­blait ne jamais devoir retomber.