Dodge

Déposée vingt jours sur un ter­rain vague, la Dodge, pour­tant noire de car­rosserie, ressem­blait hier à une vielle meringue con­stel­lée comme elle était de toutes les chi­ures d’oiseaux qui lors du pas­sage dans les couloirs aérien chient de sorte qu’il me fal­lut décrépir une moitié de pare-brise pour l’amen­er jusqu’à la sta­tion de lavage la plus proche et lui ren­dre fig­ure. De retour au vil­lage, j’in­spec­tai le capot, les por­tières, les pare-boues, incom­plète­ment sat­is­fait, si bien qu’en soirée, armé de chif­fons microfi­bres et de ce pro­duit de For­mule 1 ven­du à l’en­can pas des gamines en demi-décol­leté sur les aires de park­ing des super­marchés, je sor­tis pour don­ner du bril­lo à la Dodge, per­suadé de pour­voir tra­vailler dans la plus grande dis­cré­tion. Or, des promeneurs pique-niquaient devant les pan­neaux de ran­don­née. Je les salu­ais et déplaçais la voiture, con­scient du ridicule de l’opéra­tion, le net­toy­age d’un véhicule plus pro­pre que pro­pre. Sur ce, je le posi­tion­nais sur le ter­rain vague, mais là encore, manque de chance et signe de l’été, l’une des maisons accueil­lait dans son jardin une famille. Tout de même, je sor­tis ma bombe de mousse, mes chif­fons tech­nologiques et com­mençais de tartin­er, de polir. Et je me dis­ais: “peut-on être plus ridicule?” Puis, révisant ce juge­ment, je me dis: “si c’est ce que tu veux faire, tu n’es aucune­ment ridicule!” Aus­sitôt, je rel­e­vais la tête et entre­pris de bri­quer la Dodge pour qu’elle ressem­ble à une pépite.