Sion — Monami me surprend dans le grenier à livres d’Emmaüs. Il a un chien. Acheté pour son fils. Qui, cet après-midi, comme toutes les après-midi, est à l’école. “Il est vrai qu’il ne s’occupe pas beaucoup de Vréo”, me dit-il. Je m’attarde un peu: après avoir passé deux heures à parler avec l’armurier local — raison de ma visite — calibres, optique, canon et prise en main, je cherche l’étagère Philosophie.
-Il n’y en a pas, me dit Monami.
Nous prenons une eau minérale à la station-service, avant d’assister à un cours de Krav Maga dans un bâtiment industriel rose. L’échauffement fini, c’est le combat au sol. Pour moi, chose nouvelle, épuisante. Ces derniers jours, j’ai roulé 1500 kilomètres et bu près de trente litres de bière. Pour mesurer mon niveau, l’assistant me défie. Il m’enserre de ses jambes, puis écrase. Il est jeune, fort et convaincu. Une fille se blesse, il me relâche. Suivent des combats debout, moins fatigants. Après quoi, satisfaits et légers, nous remontons chez Monami à Verbanne. Il nourrit ses poules, le chien mange, nous visionnons des films. Au réveil, je roule en direction de Goppenstein. Là, je mets la voiture sur le train pour franchir le Lötschberg. Manoeuvre silencieuse. Drôle de peuple des montagnes. A bord des véhicules, des conducteurs isolés. Un clarté blafarde, des feux, rouges, puis verts. Nous avançons au pas, roulons sur les wagons. Le train s’enfonce dans la nuit. Seul repère, le téléphone portable à l’intérieur du véhicule qui me précède. En milieu de tunnel, le train qui arrive de Kandersteg. Sentiment de maîtrise, de froideur. De l’autre côté, il est midi. Deux par deux, les enfants gambadent le long de l’unique trottoir du village, s’arrêtent pour jouer avec les vaches.