Dessin

Depuis deux ans, plusieurs fois par semaine, la nuit ou au réveil, je me promets de dessin­er. “Ce soir, me dis-je, j’ou­vri­rai un des ces grands cahiers de feuilles que je traîne de démé­nage­ment en démé­nage­ment et je dessin­erai”. Le soir venu, je fais toutes sortes de choses; écrire, boire, lire, des recherch­es, vision­ner un doc­u­men­taire, et à la fin je me couche. Au lit, je me dis: “demain, je vais dessin­er”. J’ai peur. Rien de moins intel­lectuel chez moi que le dessin. Quelque chose des­sine. Qui n’est pas moi. Rai­son pour laque­lle je recule le moment de me pencher sur la feuille. Je crains que ne resur­gis­sent sous mes yeux les mêmes fig­ures que je traçais à dix-huit, à trente, à quar­ante ans. Ce qui voudrait dire que je suis enfer­mé de ce côté-là. Que côté dessin, je suis enfermé.